20 Sep
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Mgr Lefebvre, Lettre aux amis et Bienfaiteurs n°9, octobre 1975 : 

     « Ces principes et leurs conséquences, qui exigent la liberté de pensée, la liberté d’enseignement, la liberté de conscience, la liberté de choisir sa religion, ces fausses libertés qui supposent la laïcité de l’Etat, ont été, depuis le concile de Trente, sans cesse condamnés par les successeurs de Pierre, et d’abord par le concile de Trente lui-même. Enumérons quelques documents parmi les plus importants qui ont complété cette doctrine du concile de Trente et l’ont confirmée : La bulle Auctorem fidei de Pie VI contre le concile de Pistoie, l’encyclique Mirari vos de Grégoire XVI contre Lamennais, l’encyclique Quanta Cura et le Syllabus de Pie IX, l’encyclique Immortale Dei de Léon XIII condamnant le droit nouveau, les actes de saint Pie X contre le Sillon et le modernisme et spécialement le décret Lamentabili et le serment antimoderniste, l’encyclique Divini Redemtoris du pape Pie XI contre le communisme, l’encyclique Humani generis du pape Pie XII. Ainsi le libéralisme et le catholicisme libéral ont toujours été condamnés par les successeurs de Pierre au nom de l’Evangile et de la Tradition apostolique. »


La politique de ralliement à la république en France fut initiée par le pape Léon XIII en 1892 avec l'encyclique Au milieu des sollicitudes.

Cet acte où le pape s'immisce dans la politique intérieure des catholiques français en leur demandant d'adhérer à la république marque un épisode de la progression du libéralisme dans l'Eglise. L'abbé Emmanuel Barbier décrit bien ce soutien dans la pratique apporté par Léon XIII à la révolution dans la cité, ses ouvrages restent une référence malgré leur mise à l'index sous saint Pie X en raison d'épithètes trop vifs envers le défunt pape, par exemple LE RALLIEMENT, AVEC UN APPENDICE SUR LA DEMOCRATIE, et HISTOIRE DU CATHOLICISME LIBERAL ET DU CATHOLICISME SOCIAL EN FRANCE réédités aux éditions Saint Rémi. 

Ainsi, un premier jalon dans ce lent glissement des principes politiques et de la doctrine du Christ Roi fut posé de façon officielle par le pape Léon XIII par souci diplomatique essentiellement, n’hésitant pas à sacrifier les ennemis du libéralisme, sous l’influence de ses conseillers intimes – et même amis – qui n’étaient autres que de hauts initiés maçons, les cardinaux Rampolla puis Gasparri, Secrétaires d’État successivement de Léon XIII, Benoît XV et Pie XI, ceci avec le seul temps d’arrêt du pontificat de saint Pie X, de 1903 à 1914. Ce jalon devait conduire au désastre de l'acceptation officielle de l'apostasie des nations par le déclaration Dignitatis humanae de Vatican II. 


     Auparavant, deuxième et troisième victoires libérales, le pape Pie XI condamne l'Action française en 1926, très imparfaite certes car par exemple elle déclare (en 1942 mais les mauvais principes étaient les mêmes en 1926 et avant) ne pas vouloir, par la plume de Maurras, d'alliance du trône et de l'autel alors que c'est la base de la politique chrétienne ! Malheureusement ce n'est pas pour cette raison qu'elle est condamnée. Cette condamnation, donc, va laisser le champ libre aux pires idées dans l'Eglise en France, portées par les progressistes, descendants de Lamennais, Montalembert, Lavigerie, Dupanloup et autres libéraux du XIXe siècle. La condamnation de l’Action française par Pie XI en 1926 avait été pour les libéraux une sorte de revanche sur la condamnation du Sillon par saint Pie X en 1910. D'ailleurs Marc Sangnier, son fondateur, était vu avec bienveillance par Léon XII puis Benoît XV, signe que l'infestation libérale avait déjà commencé dans l'Eglise, jusque dans sa tête. 


     La troisième  infestation libérale fut, dès la fondation de la J.O.C. en 1924, la transformation de l’Action catholique au cours des années 1920, dont saint Pie X avait indiqué que « l'objet autour duquel » elle « doit principalement se déployer » est « la solution pratique de la question sociale selon les principes chrétiens », c'est-à-dire dans le domaine temporel, en la faisant basculer, avec ses nouveaux mouvements, dans le domaine spirituel de l’apostolat social, sous la direction des évêques.

     

     Une quatrième affadissement, affaiblissement de la saine doctrine vint encore du Saint Siège, de façon pratique : 1940, l’alliance avec l’U.R.S.S. Roosevelt assurait Pie XII que la dictature soviétique était moins dangereuse pour les nations que celle des Nazis et que l’on pourrait « restaurer en Russie la véritable liberté religieuse » avec « de meilleures raisons que n’en dispose cette même liberté dans l’Allemagne d’aujourd’hui ». Malgré l’interdiction de Pie XI de collaborer sous quelque forme que ce soit avec les communistes (Divini Redemptoris, 1937), le pape accepta le principe de cette alliance contre-nature, alors que les catholiques américains y étaient opposés. Il fit prêcher dans ce sens l’archevêque de Cincinnati. 


     Cinquième brèche : 1945, la victoire des démocratie, soumises à la finance pharisaïque. A Noël 1944, Pie XII constatait que la démocratie apparaissait « à beaucoup comme un postulat naturel imposé par la raison elle-même»
et ajoutait : « exprimer son opinion personnelle sur les devoirs et les sacrifices qui lui sont imposés, ne pas être contraint à obéir sans avoir été entendu, voilà deux droits du citoyen qui trouvent dans une démocratie, comme le nom l’indique, leur expression ». Mais il restait sceptique en ces « temps où les nécessités pressantes surexcitent l’impressionnabilité du peuple et le rendent plus facile à être dévoyé et à s’égarer ». « On peut bien discuter sans doute la valeur, l’applicabilité, l’efficacité de tel ou tel projet, le jugement à porter sur eux peut bien rester en suspens, ajoutait-il, mais il n’en est pas moins vrai que le mouvement est en cours » : c’était donc une fatalité. Malgré la supériorité de la monarchie – le gouvernement d’un seul, plus efficace s’il est bien orienté –, le Pape rappelait qu’il « n’est pas défendu de préférer des gouvernements modérés de forme populaire, pourvu que reste sauve la doctrine catholique sur l’origine et l’exercice du pouvoir », ce qu’oubliait la Démocratie Chrétienne en soutenant la souveraineté du peuple, comme Lammenais.

Pour saint Thomas, Docteur commun, la démocratie « ne convient que si la multitude est dans son ensemble vertueuse » (De Regno). A Noël 1956, Pie XII lançait un cri d’alarme face aux « problèmes angoissants que pose la démocratie moderne ». 


     1965 : victoire provisoire des ennemis de Dieu avec Vatican II, qui loue l’État laïc en opposition notamment avec le Syllabus et Quanta cura, Diuturnum Illud, Immortale Dei, Vehementer nos et Quas Primas. 

C’était une conséquence de la progression des notions de dignité humaine sans référence à Dieu, de Droits de l’Homme sans Dieu et de Liberté religieuse libérale. Ces idéaux ont leur source chez Duns Scot, Guillaume d'Occam, Pic de la Mirandole (dans son Dignitatis Humanae, dont le titre a été repris par la déclaration « personnaliste » de Vatican II du même nom) et, dans une certaine mesure, dans la philosophie politique du jésuite Suarez, les sources extérieures à l’Eglise étant le Libéralisme anglais (Hobbes, Locke, Berkeley) et la philosophie dite des Lumières. Finalement, l’influence du père Taparelli d’Azeglio, S.J., fut déterminante chez Léon XIII et Pie XI. Ces notions se sont ainsi propagées dans l’Église dès avant Vatican II, la défense des « droits individuels » se substituant au « bien commun » comme fin de l’État.



Source des lignes suivantes jusqu'à la question sur la résistance au Saint Siège. : https://lecatho.fr/culture/le-ralliement-de-leon-xiii-une-experience-pastorale-qui-seloigne-de-la-doctrine/ .

Jean Madiran, qui a fait une critique lucide du ralliement (Les deux démocraties, NEL, Paris 1977), notait que Léon XIII avait demandé aux monarchistes d’abandonner la monarchie au nom de la religion pour mener un combat plus efficace dans la défense de la foi. Sauf que, loin de mener ce combat, il a mené, avec le ralliement, une politique ruineuse de détente avec les ennemis de l’Église.

Malgré les efforts de Léon XIII et de son secrétaire d’État Mariano Rampolla, cette politique de dialogue fut un échec retentissant, incapable d’atteindre les objectifs qu’elle se proposait. Le comportement antichrétien de la IIIe République s’accentue, jusqu’à la Loi concernant la Séparation des Eglises et de l’Etat du 9 décembre 1905, dite « loi Combes« , qui supprime tout financement et toute reconnaissance publique de l’Église ; elle ne considère la religion que dans sa dimension privée et non dans sa dimension sociale ; elle établit la confiscation des biens ecclésiastiques par l’État, tandis que les édifices de culte sont cédés gratuitement à des « associations cultuelles » élues par les fidèles, sans l’approbation de l’Église. Le Concordat de 1801, qui avait réglé pendant un siècle les relations entre la France et le Saint-Siège, et que Léon XIII avait voulu préserver à tout prix, s’effondre lamentablement.La bataille républicaine contre l’Église rencontre cependant sur son chemin le nouveau pape, Pie X, élu au trône papal le 4 août 1903. Par ses encycliques Vehementer nos du 11 février 1906, Gravissimo officii du 10 août de la même année, Une fois encore du 6 janvier 1907, Pie X, assisté de son secrétaire d’État Raffaele Merry del Val, proteste solennellement contre les lois laïques, exhortant les catholiques à s’y opposer par tous les moyens légaux, dans le but de conserver les traditions et les valeurs de la France catholique.Face à cette détermination, la IIIe République n’ose pas activer pleinement la persécution, afin d’éviter la création de martyrs, et renonce ainsi à la fermeture des églises et à l’emprisonnement des prêtres. La politique sans concession de Pie X s’est révélée clairvoyante. La loi de séparation n’a jamais été appliquée avec rigueur et l’appel du pape a contribué à une grande renaissance du catholicisme en France à la veille de la Première Guerre mondiale. La politique ecclésiastique de Pie X, à l’opposé de celle de son prédécesseur, représente en définitive une condamnation historique sans appel du ralliement.Léon XIII n’a jamais professé les erreurs libérales, au contraire, il les a explicitement condamnées. L’historien ne peut cependant pas ignorer la contradiction entre le Magistère du Pape Pecci et ses positions politiques et pastorales. Dans les encycliques Diuturnum illud, Immortale Dei et Libertas, il reprend et développe la doctrine politique de Grégoire XVI et de Pie IX, mais la politique du ralliement contredit ses prémisses doctrinales.

L’esprit de ralliement au monde moderne existe depuis plus d’un siècle, et la grande tentation à laquelle l’Église est exposée est toujours présente. À cet égard, un pape de grande doctrine comme Léon XIII a commis une grave erreur de stratégie pastorale. La force prophétique de saint Pie X est à l’opposé, dans la cohérence intime de son pontificat entre la vérité évangélique et la vie de l’Église dans le monde moderne, entre la théorie et la praxis, entre la doctrine et la pastorale, sans céder aux attraits de la modernité.



Le Saint-Siège trouva t-il de la résistance en France à sa politique de ralliement ?  

Oui. En 1922, les cardinaux et archevêques avaient, dans une déclaration, appuyé la campagne lancée par la presse de droite contre les lois laïques et pour la justice scolaire, au grand déplaisir du nonce, qui y avait répondu, via le cardinal Dubois, par un Mémoire confidentiel

En 1924, à la veille des élections et à la demande expresse du cardinal Andrieu, cette même assemblée demandait aux catholiques de ne donner leurs voix qu’à des candidats résolus à combattre la laïcité, mais, alors que cette lettre était déjà à la poste, sa publication fut interdite sur intervention du Saint-Siège. 

La phrase incriminée fut supprimée dans la version définitive. En février 1925, alors que la menace de rupture des relations entre la France et le Vatican était encore latente, l’assemblée des cardinaux et archevêques revint sur les lois laïques et les mesures propres à les combattre. 

Ce texte fut désavoué en chaire le dimanche suivant par le cardinal Dubois, à la demande probable de la nonciature. Au moment où la majorité cartelliste venait de supprimer les crédits de l’ambassade de France auprès du Vatican, la publication de cette lettre irrita au plus haut point le pape et son entourage, d’autant que Mgr Rivière, archevêque d’Aix et ami de l’Action française, avait commis l’imprudence de dire à table, lors de l’assemblée : « Ce serait un malheur pour l’intérêt général français que l’ambassade et la nonciature fussent supprimées, mais, pour les catholiques et l’Église de France, ce serait un bonheur ». 

Philippe Prévost conclut : « Pie XI a voulu terminer le ralliement commencé par Léon XIII en 1892 ».  Ce fut le second ralliement. 


Quelles mesures extraordinaires furent alors prises par Pie XI et le cardinal Gasparri ?  

La tension était devenue telle entre l’épiscopat et les catholiques français d’une part, et le pape, la nonciature et les ralliés d’autre part, que Pie XI et le cardinal Gasparri décidèrent de frapper un grand coup. Ils ne pouvaient s’attaquer directement aux cardinaux et archevêques de France. Ils trouvèrent donc le subterfuge de s’en prendre à l’Action française, et aux idées qu’elle défendait et qu’approuvait une grande majorité de l’épiscopat et du clergé. 

Alors que, dirigée par des non-catholiques, l’Action française « luttait, sur des bases naturelles saines, contre le démocratisme libéral », on « l’accusa faussement de naturalisme », indique Mgr Lefebvre. 

L’A.F. avait amené à la cause antirépublicaine, monarchiste et catholique les renforts de nombreux anciens républicains non-croyants, parmi lesquels il faut sans doute mentionner Jacques Maritain, protestant et petit-fils de Jules Favre, promoteur de la laïcité scolaire ; son épouse d’origine juive Raïssa Maritain ; Ernest Psichari, petit-fils de Renan et fils de l’un des fondateurs de la Ligue des Droits de l’Homme ; Henri Massis... 

Mais le pape fut manipulé par la lecture orientée qu’on lui faisait de L’Action française, ce qui l’irrita singulièrement contre son directeur. Maurras lui-même dans une lettre de prison de 1950 avait écrit : « Nous avons dorénavant la preuve que nombre d’exemplaires de mon journal étaient préalablement falsifiés avant d’être communiqués au Pape ». 

Or, on sait en effet aujourd’hui que le pape, qui était myope, permettait en toute confiance à son secrétaire particulier, l’abbé (devenu plus tard cardinal) Confalonieri, de lui lire la presse du matin, comme le cardinal le rapporta quelques années après dans une interview à la presse italienne. Après avoir écouté pendant trois mois la lecture de cette version des articles de Maurras que lui servait l’abbé Confalonieri, Pie XI prit sa décision. 

Alors que la condamnation de l’Action française était sur le point de paraître, le cardinal Gasparri, qui dirigeait bien évidemment les opérations, déclara au chargé d’affaires de France « que l’épiscopat français avait failli à son devoir » ! « Nous allons voir, dit-il encore, ce que les évêques de France vont dire maintenant sur l’Action française. » Elle fut condamnée le 29 décembre 1926 (plus de dix ans avant le communisme par ce Pape!). 

Ses adhérents – et même les simples lecteurs du quotidien – furent excommuniés le 3 février 1927. Ses sympathisants eux-mêmes, ou supposés tels, furent souvent interdits de sacrements et de sépulture chrétienne, comme des pécheurs publics. 


Quelles conséquences eut cette condamnation de l’Action française ?  

Elle eut de graves conséquences de plusieurs ordres. Elle fut à l’origine de la démission provoquée des supérieurs ecclésiastiques et religieux de tendance monarchiste et de leur remplacement par des libéraux. 

Ces faits sont en grande partie la cause du « gauchissement » de la Hiérarchie et de la propagation des « idées nouvelles » qui triompheront à Vatican II.

Mgr Tissier de Mallerais écrit : cette condamnation « marque un tournant dans l’Histoire de l’Église ; désormais les évêchés seront confiés à des clercs de l’aile libérale, tandis que le combat antilibéral sera marqué de l’étiquette faussement infamante d’Action française ». 

Parallèlement, le renouveau thomiste qui était l’œuvre de religieux et de laïcs, pour la plupart en symbiose avec l’Action française, se trouva du même coup décrédibilisé et même divisé puisque certains, comme Jacques Maritain, se crurent obligés de chercher des raisons théologiques à cette condamnation. Maritain devait alors opérer un grand virage : la philosophie du « 2nd Maritain », celle de L’Humanisme intégral, devait être une source majeure d’inspiration pour Vatican II. 

Cet ouvrage, qui allait largement contribuer à bouleverser l’Église, fut presque simultanément édité en France et en Italie dans une traduction de l’abbé Giovanni Battista MONTINI, qui y ajouta une flamboyante introduction. 

Rien d’étonnant à ce que PAUL VI ait invité MARITAIN au concile Vatican II. Comme l’explique le théologien Maurice CARON, « l’Humanisme intégral est une fraternité universelle entre les hommes de bonne volonté, appartenant aux différentes religions ou sans religion aucune, y compris ceux qui rejettent l’idée d’un Créateur. C’est le cadre dans lequel l’Église doit exercer son rôle de levain, sans s’imposer ni exiger d’être reconnue la seule, l’unique vraie Église. 

Le ciment de cette fraternité universelle est double : c’est à la fois de faire le bien et c’est une compréhension mutuelle reposant sur la notion de dignité humaine. Cette idée de fraternité universelle n’est ni nouvelle ni originale, elle a déjà été avancée par les philosophes du XVIIIe siècle et les révolutionnaires de 1789.

C’est tout autant la fraternité aimée des francs-maçons et des marxistes. Ce qui distingue l’humanisme de Maritain est le rôle dévolu à l’Église. Dans cette fraternité universelle, l’Église doit être l’inspiratrice et la soeur aînée, et il va de soi que si elle peut gagner la sympathie de ses jeunes frères, elle ne doit montrer ni intransigeance ni autoritarisme. Elle doit apprendre à rendre la religion acceptable. Elle doit être pratique plutôt que dogmatique. » 

L’ex-jésuite Malachi MARTIN, biographe de PAUL VI, écrit : « L’Humanisme intégral de Maritain imprégna toute la politique de son pontificat. Tout ce que la philosophie peut dire, c’est que nous les hommes sont naturellement bons, qu’ils sont attirés au bien et rejettent le mal si on leur montre la différence. La fonction de l’Église est simplement de témoigner en servant les hommes, dans le monde d’aujourd’hui où une nouvelle société prend naissance. » Mary BALL-MARTINEZ, op. cit., pp. 35-36. 

Voilà Rousseau canonisé et le péché originel et ses conséquences, les blessures dans notre âme, bien oubliées.

Le péché originel blesse notre intelligence, aveuglée par les erreurs si facilement, obscurcie par l’ignorance de Dieu. Elle blesse notre volonté, faible pour le vrai bien, qui est dur à obtenir par la pratique des vertus, et attirée par les faux biens d’ici-bas : plaisirs, honneurs, richesses. Elle blesse toutes nos autres facultés enfin, la sensibilité en particulier, le travail d’une vie chrétienne de pénitences et renoncements aide à restaurer notre âme dans sa beauté d’origine.

     La porte fermée par saint Pie X, avec la condamnation du Modernisme et du Sillon, était donc une fois de plus ouverte aux nouveautés. La philosophia perennis allait être supplantée par une pensée immergée dans le siècle. 

Ce fut l’heure de Maurice Blondel (1861 † 1949) et de ses disciples, tels les jésuites Henri de Lubac (1896 † 1991) et Gaston Fessard (1897 † 1978), qui disait : « Blondel, c’est notre Hegel », ou encore des dominicains Marie-Dominique Chenu (1895 † 1990, auteur des « lieux théologiques en acte » qu’il « reconnaîtra avec joie » dans les « signes des temps » dont parlera Jean XXIII), et Yves Congar (1904 † 1995, qui dévoilera le « vrai visage » de l’Église et se voudra avant tout œcuméniste), ou encore ces autres jésuites : Jean Danielou (1905 † 1974), Hans Urs von Balthasar (1905 † 1988), Karl Rahner (1904 † 1984) et Pierre Teilhard de Chardin (1881 † 1955), refusant tous la théologie dite « baroque » du Concile de Trente. Maurice Blondel, ennemi acharné de l’Action française, peut lui-même être considéré comme le père de la Nouvelle Théologie, qui s’imposera avec Vatican II. 

Les théologiens suspects ou condamnés devinrent « experts » aux Concile. Henri de Lubac, Yves Congar, Jean Danielou et Hans Urs von Balthazar reçurent même le chapeau cardinalice. Leurs idées furent bien sûr relayées par la plupart des mouvements d’Action catholique et la Démocratie chrétienne. 


Quelle était l’origine de ce renouveau du Thomisme ?  

Ce renouveau doit son élan aux encycliques Æterni Patris de 1879 et Providentissimus de 1893 de Léon XIII par lesquelles il encourageait le retour aux études thomistes et patristiques. Il avait fondé l’Académie Saint-Thomas et réédité les oeuvres du Docteur Angélique. A l’université de Louvain, sous l’autorité du futur cardinal Mercier, et à l’Institut Catholique de Paris, sous l’impulsion de Mgr d’Hulst, des groupes d’étude se fondèrent. Le Néothomisme opposa bientôt une réponse vivante au Rationalisme desséché de la Sorbonne : dom Besse, le père Pègues, le père Vallée, le père Garrigou-Lagrange, le père Clérissac étaient des adversaires farouches du Modernisme de Loisy, de Laberthonnière et de Le Roy. Ils louaient la pensée maurassienne qui pour eux constituait le meilleur barrage contre la subversion politique qu’eux-mêmes combattaient sur le plan théologique. Et ils étaient approuvés par de nombreux évêques et même des cardinaux comme Sevin, primat des Gaules, de Cabrières, évêque de Montpellier, Andrieu, archevêque de Bordeaux ou Charost, archevêque de Rennes. 


Quel lien pouvait-il y avoir entre le Thomisme et l’Action française ?  

La philosophie de saint Thomas est réaliste. Elle part du réel, puisqu’elle enseigne l’adequatio rei et intellectus. C’est ce qu’enseignait Maurras avec « l’empirisme organisateur ». 

Saint Pie X qualifiait d’ailleurs Maurras de « beau défenseur de la Foi ». « Contre quoi ? Contre tout ce qui dissout cette Foi par la base en dissolvant toute objectivité. Maurras défendait la Foi en défendant l’esprit contre le subjectivisme de la connaissance, en restituant à l’intelligence l’objectivité de son acte, sa soumission naturelle à la vérité » ; en luttant contre les trois « R » : Réforme, Révolution, Romantisme, sur les plans religieux, politique et intellectuel. Cette lutte était fort semblable à celle de saint Pie X contre le subjectivisme des modernistes. Il existait une sorte d’accord entre la théologie catholique et la philosophie politique de Maurras, bien que celui-ci ait encore été agnostique à l’époque. Au témoignage de Daniel Rops, pourtant adversaire de l’Action française, « dans la bataille du modernisme, Pie X avait toujours trouvé l’A.F. à ses côtés ».   


Qu’advint-il de ces néo-thomistes ?  

Ils connurent la disgrâce. Ce fut notamment le cas du père Pègues, O.P., régent du scolasticat de la Province de Toulouse, et du cardinal Billot, S.J.  Il faut aussi mentionner, parmi beaucoup d’autres, le départ du père Le Floch, directeur du Séminaire français de Rome et vénéré professeur de Mgr Marcel Lefebvre. 


Ce rayonnement de l’Action française s’est-il fait sentir dans d’autres domaines ? 

En 1926, l’influence de l’Action française pouvait être ainsi décrite : On affirme que les membres de l’Action française se désintéressent de ce qui n’est pas politique. Or que voyons-nous dans tous les domaines ? Qui est en tête, partout ? En sciences sociales : La Tour du Pin, d’Action française ; en philosophie Jacques Maritain, d’Action française (il collaborait alors à la Revue universelle de Jacques Bainville et d’Henri Massis) ; en critique littéraire : Henri Massis, d’Action française ; en hagiographie : l’auteur de Saint Augustin et de Sainte Thérèse, Louis Bertrand, d’Action française ; en peinture religieuse : Georges Desvallières et Maurice Denis, d’Action française. Qui est le novateur du théâtre religieux ? Henri Ghéon, d’Action française. Parmi les romanciers catholiques : une nouvelle étoile vient de paraître : l’auteur de Sous le Soleil de Satan, Georges Bernanos, d’Action française !


A-t-on le témoignage de prélats français sur l’Action française à cette époque ?  

Nous avons par exemple celui du cardinal Charost, archevêque de Rennes, un mois seulement avant cette condamnation : 

On ne niera pas, en effet, que le Maître reconnu par l’Action française n’ait, sur le sol raviné par tant de nuées révolutionnaires ravageuses, semé beaucoup de bon grain. Personne n’a mis plus en lumière la beauté féconde de la notion d’ordre ; personne n’a montré d’un trait plus net que l’autorité de l’État doit être moins envahissante dans ses attributions, et d’autre part dans son domaine mieux circonscrit, plus forte pour réaliser le bien commun. Nul n’a mieux parlé de la tradition qui conserve dans une nation l’esprit, le goût, la politesse, tous les traits de sa physionomie spirituelle... Nul n’a mené un combat plus serré contre l’anarchie intellectuelle qui engendre toutes les autres et contre ce libéralisme abstrait qui est destructeur des libertés et des protections réelles. Nul n’a mieux flagellé la fausse dignité de l’amour romantique qui prétendait valoir par lui seul, quelque indigne que fût l’objet ou pernicieux que fussent les ravages, thème antisocial qui a présidé à la destruction légale de la famille dont nous sommes les témoins épouvantés... L’Action française constitue le premier mouvement contre-révolutionnaire, vaste et ordonné, qui a paru en France depuis l’Encyclopédie, d’où est sortie la Révolution avec ses destructions immenses. L’Église n’oubliera pas non plus la courageuse et méritoire défense que Maurras fit d’elle et de son chef aux heures les plus troublantes de la conflagration mondiale.


Mais la condamnation de l’Action française ne fut-elle pas levée ?  

Pie XII lèvera cette condamnation dès son accession au trône pontifical, ceci le 5 juillet 1939, mais il était trop tard : la puissante Action des catholiques, souvent monarchistes et antirépublicains, avait pratiquement reçu le coup de grâce.


Pie XII a-t-il donné le fond de sa pensée sur ce sujet ?  

Pie XII alla plus loin. A l’abbé Luc Lefèvre, il fit cette réponse : Permettez-moi, très Saint-Père, en mon nom, en celui de mes amis de l’Action française, de vous remercier de l’acte de charité que vous venez d’accomplir à leur égard. – Et moi, Monsieur l’abbé, répondit le pape, je vous charge de remercier vos amis de leur courageuse résistance à une condamnation indue, car sans cette résistance, jamais l’Église ne serait revenue sur elle et il resterait comme une tache dans son histoire. Car cette paix retrouvée entre l’Église et certains de ses fils, ce n’est pas un acte de charité, mais une oeuvre de justice. 

Cette condamnation était prête depuis longtemps, mais saint Pie X en 1914 et Benoît XV en 1915 avaient refusé de la promulguer.

Charles Maurras ne recouvra la Foi que peu avant sa mort, et pourtant, comme nous l’avons vu, saint Pie X disait de lui : Maurras est un « beau défenseur de la Foi ».

Il faut cependant noter que, si maladroite et si imprudente que fût cette condamnation, elle n’était pas complètement injuste. En revanche, la sanction prononcée dépassait de beaucoup la gravité de la faute et cette distorsion fit naître, avec raison, la conviction de l’existence d’une manoeuvre romaine, ce que les évènements ultérieurs confirmèrent pleinement.


Finalement de quelles erreurs doctrinales était accusée l’Action française ?  

Aucune. « La revue théologique de Louvain, très hostile à l’Action française, devait constater, dans son numéro d’octobre (1939), que ‘Rome n’a pas demandé, comme elle l’a fait en d’autres circonstances, le désaveu formel et explicite d’erreurs déterminées signalées par elle’ ».

Commentant le décret de Pie XII en date du 5 juillet 1939, Philippe Prévost écrit : La décision de Pie XII démontra rapidement que les accusations d’hérésie, de schisme ou d’une négation quelconque du dogme ou de la morale étaient sans fondement [le cardinal Andrieu avait écrit : « Ils repoussent tous les dogmes qu’elle enseigne »]. C’est ainsi que – fait extraordinaire et même unique à notre connaissance dans l’Histoire de l’Église – on vit un pape désavouer son prédécesseur, quatre mois à peine après son élection, preuve éclatante s’il en fut que, dans la question de l’Action française, on avait bafoué la vérité. 


Que pouvait-on reprocher à Maurras ?  

L’abbé Meinvielle répond : Il est connu que la méthode que Charles Maurras suit dans ses recherches, il l’appelle l’empirisme organisateur. D’où il suit que ses idées politiques ne dérivent pas d’une éthique, encore moins d’une métaphysique, mais de l’observation historique appliquée à une situation concrète [...] bien que ne participant pas du positivisme philosophique d’un Comte. [...] Dom Rulleau précise d’ailleurs que la politique est une science « inductive » : On fera davantage appel à l’induction, aux coutumes, à l’Histoire, qu’à la démonstration déductive. Ce sera tout le contraire d’une idéologie. La philosophie morale est une science inductive, fondée sur les coutumes et habitudes humaines (cf. Ethica, I, III, n 137. cf. Lachance, La conception du droit selon Aristote et saint Thomas d’Aquin, Introduction, § 1, pp. 16-23, pp. 321-322). 

L’abbé Meinvielle poursuit : Aucun doute que pour des chrétiens, avoir un incrédule comme maître à penser en politique est anormal. [...] Toutefois – et c’est ce que vit le grand saint Pie X avec sagacité – les attaques contre l’Action Française ne furent pas portées en raison de cette carence et dans le noble désir d’y remédier, mais, au contraire, en raison de ce que l’Action Française représentait de valide et de conforme à la loi naturelle. On l’attaquait parce que c’était une politique d’autorité et d’ordre. Là réside la différence entre un Pontife saint et un autre qu’il ne l’est pas, bien qu’il puisse être très vertueux. Le saint est doté d’une prudence surnaturelle qui discerne la malice de l’ennemi dans les choses apparemment innocentes. Aussi saint Pie X put-il dire à un évêque français qui s’efforçait d’obtenir la condamnation de l’Action Française : « Nous avons ici, cher fils, tout ce qu’il faut pour la condamner. Mais Nous sommes sûrs que les personnes qui nous ont informé ont agi moins par amour et zèle de la religion que par haine des doctrines enseignées par l’Action Française ». Puis, fermant d’un coup sec le tiroir du bureau, Pie X ajouta : « Tant que je vivrai, jamais l’Action Française ne sera condamnée. Elle fait bien. Elle défend le principe de l’autorité. Elle défend l’ordre. » [...] Le regard d’aigle de saint Pie X vit clair dans l’affaire de l’Action Française et de Charles Maurras. Il est vrai que l’incrédulité religieuse de Maurras, qui avait perdu la foi durant sa jeunesse, a atteint un degré de sacrilège impiété et de blasphème dans ses oeuvres comme Antinea et Le Chemin de Paradis. Mais, le programme d’action politique contre la démocratie libérale de la Révolution, forgé par Maurras, offrait des garanties pour une ferme restauration sociale et politique dans la ligne catholique. L’Action Française était dans le domaine politique une défense de l’Église contre la Révolution. 



Cette politique du Ralliement connut-elle un coup d’arrêt ?  

Cette politique du Ralliement, lancée par Léon XIII, fut totalement écartée par son successeur, saint Pie X. Elle reprit cependant de plus belle avec Benoît XV et Pie XI, et leur commun Secrétaire d’État, le cardinal Gasparri. Alors qu’il avait employé les méthodes les plus drastiques et les plus contestables – condamnation de l’Action française et transformation de l’Action catholique – pour faire appliquer coûte que coûte cette politique, Pie XI dut finalement se rendre à l’évidence. Premier avertissement : le massacre – objectivement par sa faute – des Cristeros du Mexique en 1929. 

Tandis que, dans l’encyclique Iniquis afflictisque du 18 septembre 1926, PIE XI évoquait les martyrs mexicains : « [...] En relatant ceci, Nous pouvons à peine retenir Nos larmes. Certains de ces jeunes hommes et garçons sont allés heureux à la mort, le Rosaire à la main et le nom du Christ-Roi sur leurs lèvres. Des jeunes filles, également, qui, emprisonnées, furent odieusement outragées, et ces faits ont été rendus publics volontairement afin d’intimider les jeunes femmes et de les faire plus facilement manquer à leurs devoirs envers l’Église [...] », le cardinal GASPARRI de son côté intervenait auprès de la hiérarchie mexicaine pour interdire tout soutien aux Cristeros et auprès des évêques des États-Unis pour s’opposer à toute aide économique aux catholiques mexicains. Ceci découragea notamment Nicholas BRADY, qui avait l’intention de faire un don d’un million de dollars aux Cristeros. 

PIE XI avait peu d’expérience lorsqu’il fut élu pape et l’on peut penser qu’il fut relativement facile au cardinal GASPARRI, qui était déjà Secrétaire d’État sous BENOIT XV, de le conduire à prendre des décisions contraires à ce qu’il enseignait dans ses encycliques. 

De là les hésitations et les contradictions constantes que l’on rencontre au fil de ce pontificat. 

A l’opposé, saint PIE X avait une longue et solide expérience pastorale, mais connaissait mal les arcanes politiques romaines. Il semble que ce fut son Secrétaire d’État, le cardinal MERRY DEL VAL, qui lui évita certains faux pas. 

Ainsi lorsque le pape eut autorisé Giorgio MONTINI, père du futur PAUL VI, et ses amis à tirer les imprimés de leur nouveau Parti populaire (qui deviendra le Parti démocrate chrétien) à l’imprimerie du Vatican, ce fut le cardinal MERRY DEL VAL, qui lui démontra les liens de ce parti avec l’Internationale socialiste et ses projets d’ouverture à gauche. PIE X scandalisé aurait interdit ce Parti populaire aux catholiques, si une ardente supplique de Mgr RADINI-TEDESCHI ne l’en avait dissuadé. Un peu de ménage fut cependant fait à la Secrétairerie d’État et deux proches de ce groupe RAMPOLLA-MONTINI, qui y exerçaient leurs talents, furent sacrés évêques et envoyés dans leurs nouveaux diocèses respectifs : Mgr RADINI-TEDESCHI à Bergame et Mgr DELLA CHIESA, futur BENOIT XV, à Bologne. Mary BALL-MARTINEZ, op. cit., p. 29 et 21 respectivement. 


D’autres « Ralliements » se révélèrent tout aussi catastrophiques. Déjà en 1917, « au Vatican, l’écroulement du tsarisme avait été salué comme un événement libérateur, presque une victoire », note Charles Loiseau, qui avait représenté officieusement la France pendant la guerre. Et il ajoutait : « Qu’il ait été suivi d’une période d’anarchie que caractérisent les persécutions du bolchevisme [souligné dans le texte] contre les ministres de tout culte, c’est, à Rome, un aspect de la catastrophe que l’on déplore, mais auquel on ne s’attarde pas ». Il notait aussi que la papauté « a pris acte de la chute de l’empire russe... avec presque autant de satisfaction que les socialistes eux-mêmes ». Pour être tout à fait objectif, il faut d’une part reconnaître que le Tsarisme était une forme de despotisme – de plus très anticatholique – mais en revanche d’autre part que le Vatican n’avait pas seulement usé de la voie diplomatique dans son soutien apporté aux bolcheviques : il avait été jusqu’à faciliter des transferts de fonds ! 


En Espagne, le Vatican accueillit par des conversations « des plus cordiales » la République proclamée le 14 avril 1931. « C’est peu dire que l’Église se rallia à la République, note Philippe Prévost, puisque, dans beaucoup d’endroits, elle la prépara en travaillant ouvertement à la chute de la monarchie. Le jour des élections municipales « de nombreux ecclésiastiques et même, parfois, le clergé en corps, comme à Madrid et à Tolède, avaient voté à bulletins ouverts pour les républicains ». 

Parallèlement, en juillet 1933, Pie XI avait été tellement heureux de la signature du concordat avec l’Allemagne nazie « qu’il pria Dieu de bénir le Reich » et ordonna aux évêques allemands de jurer fidélité au régime national-socialiste. Ce concordat fut également l’occasion pour le vieux parti catholique souvent victorieux – le Zentrum – de se saborder et de permettre ainsi aux catholiques d’adhérer sans état d’âme au parti nazi, exactement comme l’abandon par Pie XI de Don Sturzo et de sa démocratie chrétienne avait conduit à la dissolution de son Parti populaire et permis aux catholiques de rejoindre les rangs du parti fasciste.

Mais les faits sont têtus, même face aux théories les plus belles élaborées dans le calme d’un cabinet papal. L’assassinat du chancelier Dollfuss le 25 juillet 1934 fit enfin comprendre au souverain pontife ce qu’était réellement le Nazisme : le 14 mars 1937 l’encyclique Mit brennender Sorge le condamnait. De même, les engagements jamais tenus des diplomates soviétiques, et les persécutions, avaient fini par ouvrir les yeux du pape. Cinq jours plus tard, le 19 mars 1937, l’encyclique Divini Redemptoris condamnait solennellement le Communisme « intrinsèquement pervers », Communisme, qui avait en fait déjà été plusieurs fois condamné avec le Socialisme, notamment par Quadragesimo anno du 15 mai 1931. 

En Espagne, les « rouges » avaient massacré tous les évêques de leur territoire, à l’exception d’un aveugle, ainsi que quelques 7 000 prêtres et religieux, et des dizaines de milliers de catholiques en haine de la Foi. L’épiscopat espagnol se vit alors contraint de prendre le parti des Nationalistes et qualifia de « croisade » la lutte menée par leurs chefs. Comme l’a dit le cardinal Pla y Deniel en 1958 : « L’Église n’aurait pas béni un simple soulèvement militaire, ni un camp d’une guerre civile. Ce qu’elle a béni, c’est une croisade ». 

Le 1er juillet 1937, une lettre collective de l’épiscopat espagnol expliquait ce choix au monde entier. Les années 1934-1937 marquèrent donc un véritable tournant dans la politique du Vatican : les chimères se heurtaient aux dures réalités.


Synthèse sur le ralliement par l'abbé Claude Barthe

https://www.resnovae.fr/les-consignes-de-ralliement-de-leon-xiii/


Les consignes de Ralliement à la République données par Léon XIII aux catholiques français étaient-elles une anticipation de Vatican II[1] ? En vérité, les directives de l’encyclique Au milieu des sollicitudes se voulaient tactiques. Il y a cependant dans l’exercice un peu acrobatique auquel se livra Léon XIII pour les formuler une part de théorique, voire de théologique, au moins par défaut. À ce titre on pourrait, au titre d’une analogie lointaine, parler d’enseignement « pastoral ».

Léon XIII, pape antimoderne

Confronté à la rupture que constituait la Révolution, un magistère antimoderne de l’Église s’est constitué dès Pie VI condamnant la Déclaration des Droits de l’Homme (Quod aliquantum du 10 mars 1791 et Adeo nota du 23 avril 1791). Il continua contre le libéralisme catholique avec la publication de l’encyclique Mirari vos de Grégoire XVI, du 15 août 1832. Il culmina sous Pie IX, avec l’encyclique Quanta cura du 8 décembre 1854 contre l’ensemble des erreurs modernes, accompagnée du Syllabus errorum, une liste des propositions condamnées. Après l’annexion des États pontificaux par le nouveau royaume d’Italie, ce magistère s’est en quelque sorte resserré de Léon XIII à Pie XI (Quas primas, 11 décembre 1925), en devenant un enseignement plus directement consacré aux principes politiques.Parmi les principales interventions de Léon XIII qui dénoncent les principes nouveaux (Quod Apostolici Muneris, 1878, Diuturnum illud, 1881, Libertas præstantissimum, 1888), l’encyclique Immortale Dei du 1er novembre 1885 sur la « constitution chrétienne des États » constitue une synthèse : « Quelle que soit la forme de gouvernement, tous les chefs d’État doivent absolument avoir le regard fixé sur Dieu, souverain Modérateur du monde, et, dans l’accomplissement de leur mandat, le prendre pour modèle et règle. »

L’encyclique décrit sous l’appellation de « droit nouveau » la nouvelle conception de la société et des rapports sociaux que les principes modernes ont engendrée. « Droit nouveau, inconnu jusqu’alors, et sur plus d’un point en désaccord, non seulement avec le droit chrétien, mais avec le droit naturel. » 

Il découle de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789: le pouvoir n’émane plus de Dieu, comme l’affirme saint Paul (Rm 13, 1), mais « le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la nation » (art. 3), et la loi, « expression de la volonté générale », est décrochée de sa référence à la loi divine (art. 6).

Ce que condamne Immortale Dei en ce qui concerne la souveraineté (« La souveraineté de Dieu est passée sous silence, exactement comme si Dieu n’existait pas, […] ou qu’on pût imaginer une puissance quelconque dont la cause, la force, l’autorité ne résidât pas tout entière en Dieu même ») et en ce qui concerne la loi (« l’État n’est autre chose que la multitude maîtresse et se gouvernant elle-même »).Le « droit nouveau » est donc le fruit des principes nouveaux nés de la rupture révolutionnaire et émane d’un État nouveau où « le peuple est censé la source de tout droit et de tout pouvoir ». Il « passe la souveraineté de Dieu sous silence » et traite l’Église comme si elle était « simplement une association semblable aux autres qui existent dans l’État. »

Pour le droit chrétien et le droit naturel, en revanche, la loi a pour objet « ce qui est bon ou mauvais naturellement, ajoutant à la prescription de pratiquer l’un et d’éviter l’autre une sanction convenable. »

 Ces lois véritables, ordonnées au bien commun de la Cité, c’est-à-dire à la vie vertueuse et donc au vrai bonheur des citoyens, « ne tirent aucunement leur origine de la société des hommes ; car, de même que ce n’est pas la société qui a créé la nature humaine, ce n’est pas elle qui fait que le bien soit en harmonie et le mal en désaccord avec cette nature ; mais tout cela est antérieur à la société humaine elle-même et doit absolument être rattaché à la loi naturelle, et partant à la loi éternelle. »

Pour autant, le magistère pontifical antimoderne en général et Immortale Dei en particulier ne désignaient pas explicitement l’objet de leurs condamnations, à savoir la démocratie libérale sous sa forme républicaine, en France, ou sous sa forme de monarchie constitutionnelle, en Italie. 

Bien plus clairement sera visé en 1937 l’État nazi par l’encyclique en allemand Mit brennender Sorge : « Quiconque, suivant une prétendue conception des anciens Germains d’avant le Christ, met le sombre et impersonnel Destin à la place du Dieu personnel, […] ne peut pas prétendre à être mis au nombre de ceux qui croient en Dieu. » Et plus encore par Divini Redemptoris, toujours en 1937, l’État communiste et son pouvoir mis en place par la doctrine communiste en attendant l’âge d’or de la société sans classes et sans État.

Qui plus est, Immortale Dei, dans ses considérations finales, laissait entendre que l’État libéral pourrait être catholicisé : « Il est donc évident que les catholiques ont de justes motifs d’aborder la vie politique; car ils le font et doivent le faire non pour approuver ce qu’il peut y avoir de blâmable présentement dans les institutions politiques, mais pour tirer de ces institutions mêmes, autant que faire se peut, le bien public sincère et vrai, en se proposant d’infuser dans toutes les veines de l’État, comme une sève et un sang réparateur, la vertu et l’influence de la religion catholique. » 

La perspective d’une sorte de transfusion sanguine catholique pour remplacer le critère de la volonté générale par celui de la loi divine peut paraître d’une extrême naïveté. De fait, dans cette finale de l’encyclique, on n’était pas loin de la tactique que développeront les consignes de Ralliement sept ans plus tard avec Au milieu des sollicitudes : remplir les assemblées législatives de catholiques et d’hommes de bonne volonté qui, imbus de « bons principes », s’opposeront aux « mauvaises législations. »

Léon XIII, pape conciliateur

Car ce magistère antilibéral de la papauté, qui a condamné sans relâche les principes de la liberté moderne devenus progressivement ceux des États européens depuis la Révolution, s’est doublé d’une pratique diplomatique de cette même papauté transigeant avec les pouvoirs établis nés de la Révolution.

Bien entendu, il faut comprendre les bonnes intentions de la papauté pour sauvegarder ce qui pouvait l’être dans ce contexte radicalement nouveau pour elle. Il est clair que le Saint-Siège a voulu assurer la liberté de la pratique de la religion et de l’instruction chrétienne, non de toutes ses forces[2], mais à tout prix – et le prix fut très lourd. 

Mais le marché : « J’accepte la République, pour que vous mettiez en veilleuse la laïcité », ne relève-t-il pas d’une forme de désespérance qui juge impossible de reconquérir le monde perdu ? Ce n’est pourtant pas la démocratie nouvelle qui a les paroles de la vie éternelle.Le hiatus entre les fulminations pontificales contre le nouvel état de choses et la diplomatie du Saint-Siège est ainsi perceptible dès après la Révolution. 

Pie VI, le pape des condamnations de 1791, croit cependant devoir dire en 1796, dans le bref Pastoralis sollicitudo qu’il n’a jamais manqué de« recommander [aux catholiques français] la soumission qui est due aux puissances établies». La signature, en 1801, du concordat entre le Saint-Siège et Napoléon Bonaparte, premier consul, qui donnait à ce dernier la nomination des évêques dont bénéficiait le Roi Très Chrétien, et le sacre impérial du même Napoléon, héritier assumé de la Révolution, en 1804, annonçaient les consignes de Léon XIII. D’ailleurs dix ans avant que les catholiques français ne soient invités à se détourner du comte de Chambord au profit de Jules Grévy, les catholiques espagnols avaient été invités en 1882, par l’encyclique Cum multa, à se détourner de Don Carlos et à se rallier au pouvoir établi de la monarchie libérale d’Isabelle II[3].

Plus tard, en 1919, Benoît XV, comme on le verra plus bas, incitera les catholiques portugais à enterrer le rêve d’une restauration monarchique. Pie XI, en 1926, mettra à l’index le journal L’Action française, mesure assortie d’une privation des sacrements pour ceux qui continuaient à le lire, laquelle, concrètement, cassait les reins à une résistance largement catholique au régime républicain. 

On pourrait aussi évoquer l’affaire des Cristeros mexicains, poussés à traiter avec le pouvoir et abandonnés à sa persécution. Sauf la parenthèse de saint Pie X et son Secrétaire d’État Raphael Merry del Val, il y eut une continuité de la ligne diplomatique de conciliation du Saint-Siège avec les Secrétaires d’État, au reste grandes figures, que furent les cardinaux Consalvi sous Pie VII, Rampolla sous Léon XIII, Gasparri sous Pie XI[4].

Léon XIII faisait un devoir aux catholiques d’accepter les institutions présentement établies pour que, devenus législateurs par la voie des élections et d’un parti catholique mais républicain, fussent promulguées par eux de bonnes lois favorables à la religion. Car, « en pratique, la qualité des lois dépend plus de la qualité de ces hommes que de la forme du pouvoir. Ces lois seront donc bonnes ou mauvaises, selon que les législateurs auront l’esprit imbu de bons ou de mauvais principes et se laisseront diriger, ou par la prudence politique, ou par la passion », dit encore Au milieu des sollicitudes,Il reste que les principes mêmes de la nouvelle légitimité sur lesquels repose cette « forme de pouvoir » très spécifique que représentent les institutions libérales modernes, font que la bonification de la législation que l’on peut obtenir en conservant cette nouvelle légitimité est très aléatoire. 

La République de 1898 que les catholiques français avaient le devoir d’intégrer était laïque en soi avant de l’être par sa législation. 

Il est vrai qu’elle l’était devenue par le fait que les républicains s’étaient glissés en 1877, par leur succès électoraux, dans les habits d’une constitution fabriquée par les partisans de l’« ordre moral », dont le président Mac Mahon était le garant. Autrement dit, une République dont on espérait qu’elle resterait conservatrice et point trop républicaine était devenue républicaine sans plus aucune ambiguïté. Léon XIII imaginait en somme la manœuvre inverse : les catholiques français transformés en sincères républicains et unis dans un seul parti allaient gagner les élections et faire revivre une République conservatrice, favorable au catholicisme.Mais cela n’advint pas, comme on sait, et la persécution religieuse s’aggrava : expulsion des religieux, séparation de l’Église et de l’État. L’erreur était de croire qu’on peut arriver à inverser le cours des choses révolutionnaires en les prenant à leur propre jeu, celui de la souveraineté nationale, par une victoire électorale[5]

Témoigne contre la possibilité du contournement indolore rêvé par Léon XIII le cas de l’avènement « républicain » de Salazar au Portugal. 

Salazar, partisan décidé d’un État de constitution chrétienne, par ailleurs grand lecteur de Maurras, était cependant typiquement un catholique « rallié », qui militait dans le Centre académique de la Démocratie chrétienne (CADC)[6]

Il entra en politique en s’affiliant au Centre catholique portugais (CCP) pour « promouvoir la christianisation de la vie politique nationale », encouragé par la lettre Celeberrima evenisse de Benoît XV, du 18 décembre 1919, qui reprenait à l’usage des catholiques portugais les thèmes d’Au milieu des sollicitudes : ils étaient invités « à unir leurs forces pour la défense de leurs droits, à obéir de bonne foi au pouvoir civil et à accepter sans réticence les charges publiques qui seraient proposées, car ainsi l’exige le bien de la religion et de la patrie[7]. » 

Il fut élu dans ce contexte député pour une législature. Cependant, s’il devient ministre tout-puissant des finances puis chef du gouvernement dans un cadre constitutionnel républicain qu’il conservera jusqu’au bout, c’est qu’il fut en réalité investi par le régime militaire installé par un coup d’État en 1926, le général-président Carmona lui donnant les clés du pouvoir.

Va dans le même sens l’exemple antérieur de Gabriel García Moreno[8], devenu, dans un cadre constitutionnel identique, président de la République d’Équateur en 1860 (République qu’il remplaça d’ailleurs par la « Nation équatorienne »). 

En fait, García Moreno, qui allait promulguer une nouvelle constitution reconnaissant la religion catholique comme la seule véritable et ayant seule droit d’existence et d’expression publique, avait accédé au pouvoir au terme d’une guerre civile. Son assassinat en 1875 signa la fin de l’expérience, et un autre golpe rendit le pouvoir aux républicains. D’ailleurs, dans la République équatorienne redevenue laïque en 1895, un mouvement de ralliement de type léonin fit que le haut clergé s’allia avec le libéralisme modéré, sans pour autant pouvoir stopper le cours de la laïcité.En revanche, du fait que la démocratie est devenue le milieu de vie du monde occidental, le renversement inverse, à savoir le passage d’un régime qui se veut chrétien dans son essence à une démocratie moderne, peut éventuellement se faire sans heurt, comme un retour à la normale, à la manière d’une « transition démocratique ». Ce terme évoquant le processus politique espagnol de ce type enclenché dès la mort de Franco, processus au reste largement préparé par le régime franquiste lui-même[9].

Les « formes de gouvernement »

En fait, pas plus que Pie VII pour le gouvernement napoléonien, Léon XIII n’examinait la nature intrinsèque du pouvoir républicain. 


Cette République-là était, selon lui, une « forme de pouvoir » parmi d’autres, monarchie, gouvernement aristocratique. Sauf que la démocratie classique, celle d’Athènes, était d’une autre nature que la démocratie moderne, dont l’acte de naissance est, on l’a dit, la Déclaration des Droits de l’Homme, démocratie fondant sa légitimité, exclusive de toute autre, non sur Dieu mais sur la nation[10].

Certes, toute forme du gouvernement, disait Léon XIII, peut être bonne, « pourvu qu’elle sache marcher droit à sa fin, c’est-à-dire le bien commun, pour lequel l’autorité sociale est constituée ». 

Le pape précisant qu’on peut discuter en soi du meilleur des régimes en lui-même et aussi pour telle situation concrète dans l’histoire des peuples[11].

C’est d’ailleurs tout le but du raisonnement de Léon XIII : neutraliser en quelque sorte ce type de régime – la République française existant en 1892 –  pour qu’on ne le qualifie pas a priori de tyrannie. Le pape appuie dans l’encyclique cette neutralisation sur la « distinction considérable qu’il y a entre pouvoirs constitués et législation. La législation diffère à tel point des pouvoirs politiques et de leur forme, que, sous le régime dont la forme est la plus excellente, la législation peut être détestable; tandis qu’à l’opposé, sous le régime dont la forme est la plus imparfaite, peut se rencontrer une excellente législation. »Sauf que la neutralité de cette « forme de pouvoir » qu’est la démocratie moderne n’est pas un  matériau qui ne serait moralement ni positif, ni négatif et serait apte à être utilisé dans un bon ou mauvais sens selon le législateur. En vérité, sa neutralité est à prendre au sens fort, contraire à la loi naturelle, puisque fondée sur la non-reconnaissance de la transcendance divine. Et puisque la tyrannie se définit comme le régime dans lequel le pouvoir détourne le bien commun pour en faire son bien particulier, la tyrannie selon le « droit nouveau » est la pire de toutes puisqu’elle dénie à Dieu son pouvoir souverain sur la société en faveur du supposé bien des individus.


Nous en connaissons aujourd’hui les conséquences extrêmes. Comme nous le disions dans notre article La dimension politique de la défense de la loi naturelle – Res Novae – Perspectives romaines), définir le droit de tuer l’enfant innocent comme l’un des droits fondamentaux désormais inscrit dans la constitution, représente symboliquement une sorte de sommet dans l’affirmation du surplomb de la « volonté générale » des individus sur la volonté divine. Ce degré extrême vient à la suite d’une série d’atteintes contre-nature à la famille, loi Taubira sur le « mariage pour tous » en 2013, loi sur le PCAS de 1999, loi Neuwirth sur la pilule contraceptive en 1967, loi Naquet sur le divorce en 1884. 

Nous citions, à propos du chemin parcouru, Yves-Marie Adeline[12]

« Cette constitutionnalisation marque la plénitude de la démocratie, c’est-à-dire un régime où le citoyen ne se reconnaît aucun lien supérieur à lui-même, aucune loi d’Antigone, mais seulement la Liberté. »

La tactique léonienne n’était décidément pas judicieuse.

Abbé Claude Barthe


[1] « S’il est vrai que l’idée dominante de Léon XIII fut, comme l’écrit son biographe, celle de “réconcilier le monde moderne avec l’Église” [Charles T’Serclaes de WommersonLe pape Léon XIII, sa vie, son action religieuse, politique et sociale, Desclée de Brouwer, 1894, vol 3, pp. 714-715], le projet pastoral qui échoua sous son pontificat se réalisa avec le Concile Vatican II. Ce qui arriva à Rome de 1962 à 1965, et dans les années qui suivirent, trouve son antécédent dans le ralliement de Léon XIII » (Roberto De Mattei, Le ralliement de Léon XIII. L’échec d’un projet pastoral, Cerf, 2016, p. 263).


[2] « Pour condamner en temps utile cette Société moderne prétendue libérale, mais où la liberté n’était déjà que le masque de la soumission la plus abjecte à l’économique, préfiguration aveuglante de la servitude totalitaire, ce n’est pas la charité qui a fait défaut à l’Église, mais la force », Georges Bernanos, Encyclique aux Français, Éditions de l’Homme nouveau, p. 26.

[3] Le carlisme n’était pas nommé explicitement, mais était reconnaissable comme l’opinion « qui identifie la religion à un parti politique et les confond au point de considérer l’ensemble d’un autre parti comme ne méritant plus le nom de catholique. » Cf. Miguel Ayuso, La crisis de la cultura política católica, Dykinson SL, 2021, spécialement pp. 126-130.

[4] La ligne de conciliation de Pie VII, Léon XIII, Pie XI, est qualifiée parfois de « consalvisme » (voir Fabrice Bouthillon, « Thomisme et consalvisme », dans Revue thomiste, avril-juin 2024, pp. 267-280.

[5] Il est vrai qu’après 1830, une partie des légitimistes, tel Henri-Auguste de La Rochejaquelein, neveu d’Henri, prônaient le recours au plébiscite pour renouer le pacte entre le peuple et le roi (Jean-François Chiappe, La France et le roi. De la Restauration à nos jours, Perrin, 1994, pp. 373-374), ce qu’en revanche le comte de Chambord refusait catégoriquement. Mais le recours aux urnes démocratiques ne venait dans ces prospectives qu’en confirmation du renversement de la République.

[6] « Le christianisme sous sa forme parfaite et complète ne s’oppose pas aux libertés publiques ou aux institutions modernes. Et si entre démocratie et Église, il existe un malentendu très grave, c’est à nous, démocrates-chrétiens, qu’il revient précisément de le réparer » (Antonio Oliveira Salazar, Inéditos e dispersos, « Conferência de reabertura do CADC », vol. I, p. 181).

[7] Yves Léonard, Salazar, le dictateur énigmatique, Perrin, 2024, pp. 68-69.

[8] Miguel Ayuso Torres, Álvaro R. Mejía Salazar (dir.), Gabriel García Moreno, el estadista y el hombre. Reflexiones en el bicentenario de su nacimiento, Dykinson, Madrid, 2022.

[9] Paul VI exerçant une pression considérable pour qu’il abdiquât sa part la plus conforme à la doctrine du Christ-Roi, notamment en réécrivant l’article 6 de la charte des Espagnols (« la profession et la pratique de la religion catholique, qui est celle de l’État espagnol, bénéficieront d’une protection officielle. […] Aucune autre cérémonie ou manifestation extérieure autre que celles de la religion catholique ne sera autorisée ») dans le sens de la liberté religieuse (« L’État assumera la protection de la liberté religieuse, qui sera garantie par une protection juridique efficace qui sauve en même temps la moralité et l’ordre public »).

[10] Jean Madiran, Les deux démocraties, Nouvelles Éditions latines, 1977. Voir aussi la référence historique en la matière : Charles Maignen, des Religieux de Saint-Vincent de Paul, La souveraineté du peuple est une hérésieA. Roger et F. Cernoviz, 1892, et Delacroix, 2016.

[11] Sans entrer dans les infinies discussions à propos de la pensée de saint Thomas sur ce point (dernière interprétation en date : François Daguet, Du politique chez Thomas d’Aquin, Vrin, 2015), on sait qu’il prônait une monarchie « tempérée » (De Regno, l. 1, c. 6), et on peut rappeler ce qu’il dit dans la Somme théologique : « La royauté est la forme la meilleure de gouvernement, si elle reste saine  » (Ia IIae, q. 105, a. 1, ad 2.).

[12] « Le droit constitutionnel à l’avortement : la démocratie réalisée? » : Le droit constitutionnel à l’avortement: la démocratie réalisée? par Yves-Marie Adeline – Le Courrier des Stratèges (lecourrierdesstrateges.fr), dans le Courrier des Stratèges, mars 2024

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