Pourquoi la monarchie ?

Ces articles s'appuyent sur Guy Augé (1938-1994), docteur en droit, diplômé en science politique et licencié ès lettres, maître de conférences à l’Université de Paris II, spécialiste de l’histoire du droit, unanimement reconnu comme le meilleur connaisseur du légitimisme contemporain et son plus fin, plus rigoureux et plus scrupuleux historien, dans Légitimité et royalisme, La légitimité, n° 13, Décembre 1977.

La Royauté légitime ne s’offre pas en panacée ; elle est une institution éprouvée par l’histoire, dotée d’un statut,d’une finalité, d’une méthode. C’est peu ? Mais c’est considérable. S’il fallait condenser en quelques propositions une sorte de contenu doctrinal essentiel, on pourrait citer, à titre d’exemples :
  • la reconnaissance de l’origine divine du pouvoir
  • le respect de la morale naturelle
  • le souci de l’ordre et de la justice (dans ses deux espèces, distributive et corrective)
  • l’observation réaliste de la nature sociale et le sens du dialogue qui s’y rattache
  • la distinction du spirituel et du temporel, et l’ordination de la politique à sa finalité naturelle du bien commun
  • la défense de la nation française dans son territoire intègre, comme cadre contemporain nécessaire à une revendication dynastique
  • l'application du principe de subsidiarité, riche d'effets pratiques
  • le rejet de la république
  • le refus de la démocratie, soit comme antithèse de la monarchie, soit sous sa forme moderne virulente de prétention totalitaire à incarner  le seul principe de légitimité admissible.


Source  : https://viveleroy.net/principe-du-moteur-de-la-revolution/

Quels sont les fondements naturels et divins de la France traditionnelle ?

En France, une institution politique ayant pour idéal la cité de Dieu a déjà existé : c’est la monarchie traditionnelle. Elle est dépositaire de l’unique doctrine politique naturelle antérieure aux idéologies de 1789. La constitution de l’ancienne France était fondée sur deux principes :

1) Une légitimité fondée sur le droit naturel.

– Pour assurer le bien commun, pour donner le bonheur aux hommes, l’autorité politique reconnaît et se soumet elle-même à une loi dont elle n’est point l’auteur : la loi naturelle ou loi de la nature humaine.

– Le bien commun qui requiert l’unité de la paix n’est idéalement réalisé qu’avec le gouvernement d’un seul. Saint Thomas d’Aquin dit :

Il est clair que ce qui est un par soi peut mieux réaliser l’unité que ce qui est composé d’unités32.

Aussi l’autorité politique est celle d’un roi. Le fait que le roi n’est pas désigné par les hommes mais par les Lois Fondamentales du Royaume — auxquelles et le peuple, et le roi doivent se soumettre — évite les querelles de succession, préserve l’unité, et donc le bien commun.

2) Une légitimité fondée sur le droit divin et la Révélation. 

Si le successeur désigné par Loi est l’unique roi, celui-ci n’acquiert une pleine autorité qu’avec le sacre. En effet :

– Lors du sacre, devant ses peuples, le roi se soumet à Dieu, et lui fait serment de légiférer selon la loi naturelle dont Dieu est l’Auteur (c’est ce que nous appelons le droit divin).

– Lors du sacre, le roi reconnaît la Révélation et l’institution qui en garde le dépôt (l’Église) ; il reconnaît plus précisément la suzeraineté de Jésus-Christ, Roi de France.

– Le sacre confère dès lors au roi les grâces nécessaires pour gouverner en conformité avec les lois de Dieu et de l’Église.

Ce combat ne s’impose-t-il donc pas ? N’est-il pas raisonnable ? N’en vaut-il pas la peine ? Lui préférerions-nous l’illusion d’un « bon gouvernement » inventé de toute pièce sans la tradition ? Mais à quelle civilisation chrétienne concrète saint Pie X (1835-1914) fait-il référence dans sa Lettre sur le Sillon — cette lettre qui condamne le mouvement démocrate-chrétien de Marc Sangnier ?

Non, Vénérables Frères — il faut le rappeler énergiquement dans ces temps d’anarchie sociale et intellectuelle, où chacun se pose en docteur et en législateur —, on ne bâtira pas la société autrement que Dieu l’a bâtie ; on n’édifiera pas la société, si l’Église n’en jette les bases et ne dirige les travaux ; non, la civilisation n’est plus à inventer ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées. Elle a été, elle est ; c’est la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique. Il ne s’agit que de l’instaurer et la restaurer sans cesse sur ses fondements naturels et divins contre les attaques toujours renaissantes de l’utopie malsaine, de la révolte et de l’impiété : « omnia instaurare in Christo ».

Eh quoi ! on inspire à votre jeunesse catholique la défiance envers l’Église, leur mère ; on leur apprend […] que les grands évêques et les grands monarques, qui ont créé et si glorieusement gouverné la France, n’ont pas su donner à leur peuple ni la vraie justice, ni le vrai bonheur, parce qu’ils n’avaient pas l’idéal du Sillon !33.

Quelle cité catholique non bâtie « dans les nuées » le saint pape évoque-t-il quand il s’adresse à notre pays, si ce n’est celle de notre monarchie traditionnelle ?


32 Saint Thomas d’Aquin, De regno, chap. II, col. Les maîtres de la politique chrétienne, Éditions de la Gazette Française, Paris, 1926, p. 16

33 Saint Pie X, Lettre sur le Sillon, Notre charge apostolique, du 25 août 1910.

La question du meilleur régime
"La question principale de la philosophie politique classique est la question du meilleur régime. [...] Aristote dit que le bon citoyen pur et simple n’existe pas. Car ce que signifie être un bon citoyen dépend entièrement du régime considéré. Un bon citoyen dans l’Allemagne hitlérienne serait partout ailleurs un mauvais citoyen. Mais tandis que le bon citoyen est relatif au régime, l’homme bon n’a pas cette relativité. La signification d’homme bon est partout et toujours la même. L’homme bon ne se confond avec le bon citoyen que dans un seul cas — dans le cas du meilleur régime. Car c’est seulement dans le meilleur régime que le bien du régime et le bien de l’homme bon sont un seul et même bien, le but de ce régime étant la vertu."
Léo Strauss, Qu’est-ce que la philosophie politique ?, prem. éd. 1959, PUF, col. Quadrige, Paris, 2010, p. 39
Le combat pour la légitimité
C’est sur le terrain efficace du débat théorique sur le fondement des sociétés que les légitimistes portent le combat politique et remporteront la victoire.

La légitimité est l’application du droit royal français tel qu’il est défini dans la théorie statutaire et les lois fondamentales du Royaume. ... écrit l’historien du droit Guy Augé. Ces lois, qui obligent à la fois les sujets et leur roi, ont permis l’agrégation de peuples très différents au Royaume tout en respectant leurs identités et leurs libertés. L’État de justice qu’elles garantissent a rendu possible la pérennité du bien commun à travers les siècles, et c’est ainsi que l’institution a généré cette communauté naturelle, cette cité qu’est notre pays. La genèse empirique des Lois fondamentales du Royaume au gré des difficultés ne laisse pas d’étonner. Rien de prémédité : un problème de succession survient-il ? On interroge d’abord la coutume et la solution adoptée devient la loi, avec pour condition que cet solution ne saurait contredire les lois précédentes. En vertu de  caractère coutumier, on peut dire que le droit monarchique français dérive de la loi naturelle.
On ne trouve ici aucun a priori donc, mais le simple principe de la soumission au réel, à la nature des choses, et en fin de compte, à l’Auteur de cette nature.
Les rois doivent obéir à Dieu
Dans une monarchie traditionnelle le roi tient son autorité de Dieu, et dans son Testament, Richelieu (1585-1642) en rappelle la contrepartie : "Tant de princes se sont perdus, eux et leurs États, pour fonder leur conduite sur un jugement contraire à leur propre connaissance ; et tant d’autres ont été comblés de bénédictions, pour avoir soumis leur autorité à celle dont elle dérivait, pour n’avoir cherché leur grandeur qu’en celle de leur Créateur ; et pour avoir un peu plus de soin de son règne que du leur propre."
De fait, tout gouvernement par autorité est fondé sur la transcendance de la divinité, et saint Paul (mort en l’an 67) rappelle :
"Le prince est pour toi ministre de Dieu pour le bien. Mais si tu fais le mal, crains ; car ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée, étant ministre de Dieu pour tirer vengeance de celui qui fait le mal, et le punir".
 Étant le représentant de Dieu — son ministre — pour établir le bie le monarque est donc d’autant plus obéi que lui-même est soumis de façon visible et intérieure à cet ordre transcendant. Louis XIV l'a bien compris, lui qui l’enseigne au Dauphin : "Et à vous dire la vérité, mon fils, nous ne manquons pas seument de reconnaissance et de justice, mais de prudence et de bon sens, quand nous manquons de vénérétion pour Celui dont nous ne sommes que les lieutenants. Notre soumission pour Lui est la règle et l'exemple de celle qui nous est due."
Comment le roi conserve-t-il sa légitimité ?
Un roi ne conserve sa légitimité que s’il obéit à la feuille de route divine : permettre à ses sujets d’accomplir leur nature d’animal rationnel. Autrement dit, il s’agit de leur assurer au mieux les conditions générales nécessaires pour vivre conformément à leur raison
— ce qui n’est rien d’autre que vivre vertueusement, disent Cicéron et saint Thomas :
Il y a en tout humain une inclination naturelle à agir conformément à sa raison. Ce qui est proprement agir selon la vertu.
Saint Paul confirme que la loi du bon comportement humain — la loi naturelle — est accessible à tout homme en dehors de la Révélation, car elle est comme inscrite dans son cœur :
Quand des païens qui n’ont pas la Loi [par la Révélation] pratiquent spontanément ce que prescrit la Loi, eux qui n’ont pas la Loi sont à eux-mêmes leur propre loi. Ils montrent ainsi
que la façon d’agir prescrite par la Loi est inscrite dans leur cœur, et leur conscience en témoigne, ainsi que les arguments par lesquels ils se condamnent ou s’approuvent les uns les
autres.
Et le roi s’efforcera donc toujours de gouverner, de légiférer selon
la loi naturelle. "Attendu que toute créature humaine qui est formée à l’image de Notre-Seigneur doit généralement être franche par droit naturel" déclare Philippe le Bel.
Comment juger de la légitimité d'un régime ?
Est légal ce qui est conforme à la loi. Est légitime ce qui est conforme à la loi juste. Qu’est-ce que la loi juste ? C’est toute loi conforme à la loi du bon comportement humain commune à tous les hommes, soit la loi naturelle ou loi de droite raison. Saint Paul l’a évoqué, c’est de cette loi dont on se réclame quand on prend l’autre à témoin en commençant sa phrase par « Ce n’est pas normal que... ». La loi naturelle est précisément cette norme transcendante supposée connue et acceptée par l’autre sans aucune concertation préalable.
On retrouve la loi naturelle dans toutes les civilisations traditionnelles. C’est donc le premier critère dont on se servira pour jauger de la légitimité d’un régime politique :
– Les régimes légitimes reconnaissent de façon institutionnelle la transcendance de la loi naturelle, et produisent des lois positives qui lui sont conformes.
– Les régimes tyranniques produisent des lois qui violent tel ou tel aspect de la loi naturelle.
– Les régimes de la modernité nient l’existence de la loi naturelle et prônent l’autonomie de l’homme, son affranchissement de toute loi dont il n’est pas l’auteur. Ces régimes, ainsi fondés sur l’immanence, ont pour religions séculières les idéologies libérale, nationaliste ou socialiste. Dans leurs formes ultimes, ils conduisent à ces monstres totalitaires : communisme des bolchéviques assassins de leur peuple, socialisme-national.
Enfin, les monarchies parlementaires sont à rejeter car la souveraineté vient de la nation.