Qu’est-ce qu’un régime politique légitime? Quelle est plus précisément la finalité de la politique ? L’activité politique étant propre à l’être humain, la réponse à ces questions se trouve probablement dans la connaissance de ce qui constitue l’humanité elle-même. Peut-être saurons-nous alors dégager des principes de légitimité susceptibles d’une adhésion la plus universelle.
La rédaction d'Introduction à la Légitimité
L’homme est un animal rationnel
Aristote (384-322 av. J.-C.) constate :
L’homme est un animal rationnel 1 .
L’homme est en effet doué de raison. Son intelligence peut connaître le vrai, le beau et le bien, et sa volonté les désirer. Sa raison est capable, non seulement d’identifier le bien à atteindre, mais encore de trouver un moyen propre pour parvenir à ce bien, et c’est précisément dans le choix des moyens pour atteindre le bien que réside la liberté de l’homme. Aussi Bossuet (1627-1704) écrit :
La raison est cette lumière admirable, dont le riche présent [...] vient du ciel [...] par laquelle Dieu a voulu que tous les hommes fussent libres 2 .
Agir selon la raison
L’homme vertueux est celui qui agit conformément à la raison, et Cicéron (106-43 av. J.-C.) remarque en effet :
Pour tout dire en un mot, la vertu est la raison même3 .
De même saint Thomas d’Aquin (1224-1274) dit :
Il y a en tout humain une inclination naturelle à agir conformément à sa raison. Ce qui est proprement agir selon la vertu4 .
Le chinois Confucius (Ve-IVe siècle av. J.-C.) se rapportant à la Grande étude — qui est le traité d’éducation des anciens rois — ajoute que l’on ne peut tendre vers le souverain bien qu’en agissant conformément à la raison qui est la perfection humaine :
La loi de la Grande Étude, ou de la philosophie pratique, consiste à développer et remettre en lumière le principe lumineux de la raison que nous avons reçu du ciel, à renouveler les hommes, et à placer sa destination définitive dans la perfection, ou le souverain bien5 .
Aristote identifie par ailleurs le souverain bien avec le bonheur que l’on éprouve au terme d’une vie vertueuse :
Qu’est-ce donc qui empêche de qualifier d’heureux celui qui agit conformément à la vertu parfaite, et qui est suffisamment pourvu de biens extérieurs, non pendant telle ou telle durée, mais pendant une vie complète 6 ?
1. « Car seul il [l’homme] a la raison. » (Aristote, Les Politiques, livre VII, chap. XIII, 12, trad. Pierre Pellegrin, Flammarion, Paris, 1993, p. 493.)
2. Jacques-Bénigne Bossuet, Œuvres de Bossuet, tome i, Firmin Didot frères fils et Cie, Paris, 1860, p. 15-16.
3. Cicéron, Tusculanarum diputationum, livre iv, 15, cité par A. Degert, Les idées morales de Cicéron, Librairie Bloud & Cie, Paris, 1907, p. 8.
4. Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Ia-IIae, « La loi », Question 94, trad. Laversin, Édition de la Revue des jeunes, Desclée & Cie, Paris, 1935, p. 115.
5. Confucius, Doctrine de Confucius ou les quatre livres de philosophie morale et politique de la Chine, trad. M.-G. Pauthier, Librairie Garnier Frères, 1921, p. 1.
6. Aristote, Éthique à Nicomaque, livre i, 1101a, trad. Jean Defradas, Presses pocket, col. Agora les classiques, 1992, p. 51-52.