« Les Pères de l’Église contiennent des trésors de lumière, et dans ces trésors presque aucune main ne vient fouiller. Nous avons trop à faire, vraiment ! Ô idiots, idiots que nous sommes ! La terre possède des mines d’or qui ne sont pas exploitées. La face du monde changerait si les hommes, fatigués de l’ennui surhumain auquel ils se condamnent sans savoir pourquoi, avec un courage digne d’une cause meilleure, si les hommes, ayant enfin pitié d’eux-mêmes, abandonnaient un mois les lectures vides, monotones, ennuyeuses, pour se retremper dans les sources vivantes, pour lire les choses dramatiques, c’est-à-dire les choses vraies ; leurs cœurs retrouveraient les battements perdus. Je ne crains pas de le dire : la face du monde serait changée si, pendant un mois, les hommes lisaient les Pères et les Docteurs de l’Église. Ils ne pourraient plus ensuite se résigner à avaler encore une fois ce qu’ils auraient vomi. »
Ernest Hello (1828 - 1895)
VACANT, Le magistère ordinaire universel et ses organes, delhommeet briguet, libraires-éditeurs 1887
"Quatre conditions : une grande sainteté, une haute antiquité, une doctrine éminente et la sanction de l'Église.
Or, ce sont précisément les conditions qui devaient donner l'immortalité et l'autorité aux écrits des saints Pères, dans ce concours toujours ouvert dont nous parlions tout à l'heure. En effet, ce qui est requis, pour survivre à la multitude des ouvrages qui disparaissent et tombent dans l'oubli, c'est une doctrine pure, exposée d'une manière supérieure et qui reçoive l'assentiment de l'Église.
Or, les saints Pères avaient une science théologique éminente, c'est-à-dire le moyen de reconnaître la foi de l'Église et de la présenter dans toute sa pureté et sous son vrai jour ; ils avaient la sainteté, par conséquent un attachement inviolable aux vérités révélées et une profonde horreur pour tout ce qui en aurait terni la pureté ; plusieurs ont subi le martyre plutôt que de renier la foi, tous auraient mieux aimé mourir que d'en altérer l'intégrité. A ces avantages, ils ont joint celui de leur antiquité : ils ont vécu au temps où le dogme commençait à se développer et ils se sont appliqués à l'exposer avec exactitude et à le défendre contre les hérésies, plutôt qu'à dérouler, comme les théologiens l'ont fait depuis lors, la chaîne des conséquences qu'il renferme. C'est pour cela que, dans sa lutte contre les grandes hérésies, l'Église tout entière s'est rangée derrière les Athanase, les Hilaire et les Augustin, comme derrière les représentants de l'orthodoxie ; c'est pour cela qu'elle n'a cessé de faire usage de leurs écrits et de professer une entière confiance en leur orthodoxie par la bouche de ses Souverains Pontifes, de ses évêques et de ses théologiens.
Les Docteurs de l'Église qui ont vécu depuis le douzième siècle, ceux surtout dont la doctrine a été plus spécialement recommandée par les successeurs de saint Pierre et qui jouissent d'une grande autorité dans les écoles catholiques, comme saint Thomas d'Aquin, peuvent être assimilés aux saints Pères ; car s'ils n'ont pas ce titre, c'est seulement à cause de l'époque où ils sont nés. Ils sont venus après les saints Pères : ils ont vécu au temps où la philosophie humaine, davantage étudiée, offrait ses cadres à l'exposition de la vérité révélée ; mais ils se sont attachés à ne rien enseigner qui ne fût conforme à la tradition, et, en cherchant les moyens d'exposer la doctrine catholique avec plus d'enchaînement et de précision, ils ont sauvegardé la pureté de cette doctrine et distingué les dogmes de foi et les vérités certaines des opinions livrées aux discussions des hommes. Enfin, nos grands théologiens participent à l'autorité des saints Pères et des Docteurs de l'Église, dans la mesure où ils se rapprochent d'eux par leur attachement à la tradition, par leur doctrine et par la confiance qu'ils inspirent aux pasteurs et aux fidèles. Le soin avec lequel tous ces écrivains vénérables ont exposé la foi de l'Église et l'approbation qu'ils ont reçue d'elle font que leurs écrits doivent être regardés comme exprimant les enseignements de son magistère ordinaire. Néanmoins, il y a lieu de remarquer que ce n'est pas à chacune de leurs affirmations prise isolément, mais plutôt à l'ensemble de leur enseignement, que cette autorité est accordée.
Il en résulte qu'une proposition isolée empruntée à un saint Père n'est point considérée comme l'enseignement certain du magistère ordinaire, si elle ne se retrouve dans le plus grand nombre des autres Pères ou des théologiens. Mais quand un point de doctrine est admis unanimement, ou à peu près, par l'ensemble des Pères de l'Église ou des théologiens autorisés, c'est un signe indubitable qu'il fait partie des vérités révélées, enseignées par le magistère ordinaire. En effet s'il en était autrement, comment aurait-il obtenu, pendant une si longue suite de siècles, l'assentiment de tous les témoins autorisés de ce magistère, de préférence à tant d'opinions qui ont disparu ou qui n'ont obtenu que l'adhésion de quelques auteurs ? Comment aurait-il été présenté par eux tous, non pas comme une assertion plus ou moins bien prouvée, mais comme un point de doctrine, c'est-à-dire comme un point enseigné par l'Église ? Aussi doit-on regarder comme doctrine certaine et accepter comme exacte toute formule dogmatique qui a pour elle cet accord constant et unanime. On pourrait citer un grand nombre de déclarations où le Souverain Pontife et les Conciles reconnaissent cette autorité sans appel et par conséquent infaillible des saints Pères ou des théologiens.
Il suffit de rappeler les prescriptions du Concile de Trente et de celui du Vatican, qui imposent d'interpréter l'Ecriture sainte «dans les matières de foi et de mœurs qui appartiennent à l'édification de la doctrine chrétienne d'après le consentement unanime des Pères», et qui n'attribuent pas à ce consentement une moindre autorité qu'aux jugements de l'Église elle-même, ainsi que la lettre du 21 Déc. 1863, où Pie IX dit qu'on est obligé de croire ce que les théologiens catholiques enseignent unanimement et constamment comme appartenant à la foi."