D'une promotion saint-cyrienne à trois autres, le sang de France est fécond et généreux
D'une promotion saint-cyrienne à trois autres, le sang de France est fécond et généreux
31 Aug
31Aug
CROIX DE PROVENCE
1942
Plus est en nous
Ecu doré et émaillé reposant sur une épée d'or, pointe en bas. En chef, bandeau noir avec inscription or "Croix de Provence". Le reste de l'écu est tranché, à dextre d'un paysage à la Croix de Provence rouge et or. Au centre, petit écu noir timbré d'un shako bleu à cuir noir surmonté du casoar rouge et blanc, reposant sur une paire de gants blancs.
HISTORIQUE
Entrée à Aix-en-Provence en octobre 1942, la promotion "Croix de Provence" est renvoyée dans ses foyers le 5 décembre après l'occupation du Quartier Miollis par les Allemands.
Les uns iront dans les Chantiers de Jeunesse, d'autres dans les Ecoles Supérieures ou Facultés, mais le plus grand nombre, fidèle à la devise de la promotion "Plus est en nous" trouvera le moyen de prendre, sous des formes diverses, une part active aux événements qui secouent la France.
La promotion avait choisi le nom de Croix de Provence, de cette croix qui domine la montagne de Sainte-Victoire, située près d'Aix, d'une part en souvenir de ce lieu de séjour de l'Ecole et d'autre part pour symboliser à la fois l'épreuve qui frappait alors la France et la confiance qu'elle gardait cependant en une victoire prochaine.
Témoignage par Bernard Toussaint
Nous étions 350 reçus sur 3 000 candidats au concours de 1942 à intégrer l'École à Aix-en Provence dans la première quinzaine d'octobre, pleins de fierté et d'enthousiasme. Mais nous ne nous doutions pas que les événements qui allaient survenir allaient être la cause de la création accélérée de notre promotion.
Au cours des six premières semaines de notre séjour à l'École, nous avons commencé notre formation militaire de base et avons été « bahutés » par nos anciens. Les événements de l'extérieur - débarquement en Afrique du Nord, sabordage de la flotte à Toulon et occupation par les Allemands de la zone libre – ne nous sont parvenus que de manière diffuse.
En revanche, l'apparition le 26 novembre de sentinelles allemandes aux portes de l'École, l'ordre de rendre les armes et l'annonce de la prochaine fermeture de l'École ont créé un véritable traumatisme, une véritable croix qu'il a fallu supporter en silence mais pleins de désir de revanche.
Devant cette situation aussi brutale que douloureuse, le commandement a autorisé le « troupeau de bazars » mal dégrossis que nous étions à devenir une promotion prenant pour nom « Croix de Provence », avec pour insigne la croix plantée au sommet de la montagne de la Sainte-Victoire qui domine Aix et pour devise « Plus est en nous ». C'est ainsi que notre promotion a pu intégrer la longue lignée des promotions de Saint-Cyr.
Le 6 decembre 1942, date de notre départ de l'ECOIR, marque l'éclatement de notre promotion dont les camarades n'avaient pas eu le temps de se connaître.
Démobilisés, nous avons été dispersés. Animés de la volonté farouche de poursuivre la lutte contre les Allemands, nous avons individuellement trouvé des voies différentes. Au départ, les Chantiers de Jeunesse pour la plupart en zone sud, le retour à la vie civile pour ceux de la zone nord qui sont ensuite partis dans différentes directions, notamment :
- La Résistance en rejoignant des maquis,
- L'École de la Garde afin de poursuivre notre instruction militaire avant de passer dans la Résistance,
- Les services de renseignement par l'intermédiaire de notre lieutenant instructeur Jehan Montangon,
- L'évasion par l'Espagne pour rejoindre l'armée d'Afrique du Nord puis participer aux combats pour la libération de l'talie et de la France.
À la Libération, nous comptions déjà vingt-quatre morts dans les combats et en déportation.
Nous avons ensuite, après des stages de formation militaire à Cherchell et Coëtquidan, rejoint l'Indochine dès l'armistice de 1945. Nous avons alors mené une « guerre de lieutenants et de capitaines »"!. Nous y avons perdu quarante-et-un camarades au cours d'un, deux ou trois séjours. Pour n'en citer qu'un, le dernier mourait d'épuisement le 10 juillet 1954 sur les pistes allant de Diên Biën Phu aux camps d'internement.
Puis ce fut la guerre d'Algérie qui devait nous prendre encore sept camarades.
Notre amertume, c'est d'avoir, en Indochine et en Algérie, connu une fin de conflit douloureuse avec un repli dramatique.
Notre fierté, c'est d'avoir participé à la libération de la France et d'avoir servi en Indochine et en Algérie où sont tombés de nombreux camarades.
Sur les trois cents cinquante d'Aix-en-Provence, soixante-treize sont morts pour la France et 8 ont disparus en service commandé
Enfin, nous sommes fiers d'avoir donné à Saint-Cyr les noms de trois promotions : « Capitaine de Cathelineau », « Commandant Morin », « Capitaine Hervouët », ainsi qu'un commandant de l'École spéciale militaire de Saint-Cyr, le général Sciard, président de notre amicale
Aux plus jeunes générations, nous adressons trois messages :
« PLUS EST EN VOUS »,
« Ne pas subir »
la devise du maréchal de Lattre, notre chef en Indochine,
« Garder l'espoir »
malgré les difficultés apparemment insurmontables.
Trois futures promotions
Commandant Morin
Promotion 1994-1997
1925 : année de naissance de Jacques Morin, le jeune Morin suit une scolarité classique. Il est bachelier en 1941. En 1942, il rejoint l'école spéciale de St-Cyr, promotion " Croix de Provence " installée à Aix-en-Provence.
L'invasion de le zone libre par l'armée allemande écourte ses études. Après diverses tentatives infructueuses pour rejoindre l'armée d'Afrique, il se résout à entrer dans la résistance, dans l'ORA (Organisation de la Résistance Armée), membre du maquis de la Drôme. Le 4 juin 1944, comme souvent durant cette période, il est trahi et arrêté par la gestapo lors d'une liaison à Paris.
Il est déporté au camp de Buchenwald où il retrouve son ancien condisciple de corniche à St Geneviève : le futur commandant Hélie Denoix de St Marc. Le déporté Morin connaîtra la misère profonde des camps de la mort, envoyé à Laura à la frontière tchèque, il n'échappera que de justesse à la mort suite à une maladie pulmonaire, même cas de figure que le commandant de St Marc. Comble d'ironie, il devra s'évader du camp , garder par les américains craignant le typhus.
Le 20 mai 1947, le lieutenant Morin se présente au poste de Sidi-Bèl-Abbès, tout en s'étant fait breveter parachutiste à Pau. Il est affecté au 3ème REI et il rejoint l'Extrême-Orient la même année. Ses premiers mois il les passe sur la RC4 et dans la meilleure tradition légionnaire, il construit le poste « du tunnel » à quelques kilomètres de Dong-Khé. Dès 1948 le poste est attaqué à plusieurs reprises par les viets. A chaque fois repoussés par le lieutenant et ses légionnaires, montrant des qualités exceptionnelles de chef et de soldat. Le 1e avril 1948, Le colonel Simon confie au jeune lieutenant Morin ( 23 ans ) la toute jeune compagnie parachutiste. Les officiers volontaires que comportent cette compagnie sont parmi les meilleurs : les lieutenants Arnaud de Foiard, Camus, Salles, Audoye et Vion. Plus une brochette de vétérans légionnaires .
Le 26 avril premier saut opérationnel à Van-Xa Le 25 mai, secteur de Sontay, où le lieutenant est blessé pour la première fois (jambe). Le 9 juin, la comapgnie saute sur Cao-Bang (fief du 3ème REI). Morin et ses hommes restent jusqu'en novembre, pratiquant l'ouverture de routes et protection des convois.
Le 31 mai 1949, la Cie est dissoute et tous ses éléments passent au 1er BEP
Désormais, sa vie d'officier Para Légion, se confondra avec le 1er BEP et le 1er REP.
Après la tragédie de Cao-Bang, le capitaine Morin prend la relève avec un nouveau bataillon. Le capitaine après 2 séjours en Indochine regagne la métropole. Il devient à 29 ans le plus jeune commandeur de la Légion d'Honneur de l'armée française. Durant 3 ans il sert comme instructeur à l'école d'infanterie.
En 1956, il rejoint le 1er REP, comme chef d'état-major puis comme commandant en second. Il prend part à l'expédition de Suez. 1958 il est temporairement chef de corps du 1er REP, suite au décès du Lieutenant-colonel Jeanpierre et ce durant toute l'opération
En 1959, il est désigné pour commander le 2ème bataillon de St-Cyr. Il sert ensuite comme chef d'état-major à la 10ème DP puis à l'inspection des troupes aéroportées. Jacques Morin se sentira solidaire de ses camarades et choisira les chemins de l'Honneur.
Il décède le 25 mai 1995.
Capitaine Hervouët
Promotion 2013-2016
Né près de Beauvais le 1er octobre 1920, Yves Hervouët est admis à l’école spéciale militaire d’Aix en Provence en septembre 1942, promotion “Croix de Provence”. Après l’invasion de la zone libre par les Allemands le 11 novembre 1942, la promotion est renvoyée dans ses foyers. En mai 1943, il franchit la frontière Espagnole et rejoint l’Afrique du Nord. Il est alors détaché à l’école des élèves Aspirants de Cherchell où sont formés les chefs de section depuis novembre 1942. Promu sous-lieutenant, il est affecté au 5e Régiment de Chasseurs d’Afrique en avril 1944.
Le 18 août 1944, Hervouët participe au débarquement de Provence et débarque dans la baie de Saint-Tropez à la tête d’un peloton antichar. Participant à la campagne de France, il est blessé et cité à l’ordre de la division. Promu lieutenant en décembre 1944 et cité à l’ordre de l’Armée, Hervouët demeure en Allemagne jusqu’en octobre 1945.
Après la seconde guerre mondiale, il sert successivement au 13e Régiment de Dragons et au 5e Régiment de Cuirassiers. Promu capitaine en janvier 1950, Hervouët prend le commandement du 8e escadron. A plusieurs reprises il s’illustre au combat notamment dans une opération d’ouverture de la route coloniale N° 1 à ... au centre Vietnam en 1951.
En juin 1951, il quitte l’Indochine et gagne l’Allemagne où il prend le commandement du 3e escadron du 3e régiment de Spahis Algériens. En 1953, Hervouët effectue un 2e séjour en Indochine. Tout d’abord au 1er Régiment de Chasseurs puis au Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc qui vient de rejoindre Diên Biên Phu. Arrivé dans la cuvette le 9 janvier 1954, les trois pelotons de chars sont immédiatement engagés au combat. Le 11 mars, Hervouët est légèrement blessé au cours d’une attaque en direction du point d’appui Béatrice. Il participe aux tentatives de désengagement de Gabrielle le 15 mars puis de Huguette le 28 mars. Blessé gravement aux deux bras, il refuse le rapatriement sanitaire à Hanoï et poursuit son commandement jusqu’à la chute de Diên Biên Phu le 7 mai 1954. Commence alors le long calvaire des prisonniers.
Épuisé et malade, il impressionne cependant par son courage. Le capitaine Hervouët, s’éteint le 10 juillet 1954.
Le 15 juin 1954, le lieutenant-colonel Audemard d’Alençon commandant le 1er régiment de chasseurs, écrivait au sujet du capitaine Hervouët : “Extrêmement brillant, le capitaine Hervouët est un chef de grande classe”.
CAPITAINE DE CATHELINEAU
Promotion 1976-1978
Descendant de Jacques Cathelineau, généralissime de l’Armée catholique et royale de Vendée (1793-1794), Gérard naît le 23 janvier 1921 à Paris dans une famille de militaires. Comme son ancêtre, surnommé le « Saint de l’Anjou », Gérard n’a d’autre idéal que la sainteté. Il écrivait, alors âgé de dix-neuf ans : « Permettez, Sainte Vierge Marie, que je sois toute ma vie le serviteur de Dieu et, sans hésitation, le défenseur de toute les causes saintes, à l’instar de mes ancêtres.» Il le fut, par sa vie intérieure qui illumina toutes ses actions extérieures, jusqu’à son dernier soupir à Béni Douala, en Algérie, le 12 juillet 1957.
Il fait de brillantes études chez les Jésuites, où il affirme un caractère de chef en même temps que des dons littéraires remarquables. Il entre en corniche à Jeanson de Sailly, puis, après avoir un temps hésité à rentrer au Séminaire, au Prytanée Militaire de La Flèche. Il écrivit sur ce métier : « Le métier de militaire suppose une vocation, un désir de perfectionnement, voire de vie rude et ascétique. Il s’allie très bien avec l’idéal religieux : idée de sacrifice éventuel, même sacrifice de ses préférences. »
La débâcle de juin 1940 l'empêche de passer l'oral du concours, qui est annulé. En octobre 1941, au lycée Saint-Louis, il reprépare Saint-Cyr qu'il rejoint à Aix-en-Provence. Il intègre Saint-Cyr en 1942 dans la promotion de la Croix de Provence. Obligé de quitter l’école après cinquante jours, il complétera sa formation à la fin de la guerre à l’École des Cadres à Langenargen. Il participe ensuite à un réseau de résistance, puis entre aux Chantiers de jeunesse, qu'il quitte un an plus tard lorsque les Allemands les dénaturent. Il demande et obtient son affectation en juin 1944 au Premier Régiment de France, l'armée de Vichy se préparant activement à reprendre le combat.
En août, le régiment rejoint les F.F.L. et engage la lutte face aux Allemands. Il se distingue au combat et reçoit la Croix de Guerre avec étoile de bronze. Il rejoint alors Cherchell pour y achever sa formation de Saint-Cyrien.
Revenu en France en mai 1945, il est affecté au 110ème R.I., puis muté à l'École des Cadres de Langenargen en Allemagne. Là-bas, il rencontre celle qui deviendra sa femme : Mlle Colette Plassard.
Sa valeur d'exemple auprès de tous lui vaut des éloges de de Lattre lui-même. Lieutenant en octobre 1946, il est désigné pour l'Indochine fin 1947. Affecté à la 3ème Brigade de Chasseurs Cambodgiens, dans la plaine des Joncs, il rejoint ensuite le Cambodge à Takéo.
Le 12 décembre 1948, il est blessé et reçoit une nouvelle citation. Rapatrié en juillet 1950, il réussit le concours d'état-major, ce qui lui permet de repartir en Indochine le 26 mars 1954. Conseiller à l'état-major des forces khmères, il participe après la guerre à la création de l'Académie Royale Militaire.
En juillet 1955, il quitte l'Indochine pour rejoindre l'Algérie. Il est affecté au 3ème Bataillon du 121ème R.I. à Beni Douala où il est à nouveau cité pour son travail exceptionnel. Il laisse le souvenir d'un officier cultivé et brillant et d'un homme dont le rayonnement impressionna ceux qui le rencontrèrent.
Le capitaine de Cathelineau part finalement sur ce territoire agité de l’Algérie, à Béni Douala. Le 12 juillet 1957, il va débusquer des rebelles dans les abris souterrains d’un village voisin. L’un d’eux, trompant la surveillance des Français, fait feu sur le groupe Le capitaine n’a que le temps, dans un suprême acte de charité, de faire rempart de son corps pour protéger l’adjudant de gendarmerie qui était avec lui.Il laissait une veuve de 36 ans et 4 petites filles dont l’aînée avait 10 ans.
Il tombait là où, quarante-deux ans plus tôt, le Père de Foucauld rendait son âme à Dieu. Son idéal chrétien se réalisait, lui qui écrivait, à l’âge de dix-sept ans : « Demain, bientôt… la mort. Je gagnerai les cieux, je l’espère.Mon cœur sera dilaté de reconnaissance et d’amour.Irai-je seul ? Ah non ! Jésus, je ne veux pas pénétrer seul chez Vous. Je veux Vous amener tout le monde. À votre image, toujours…Instruisant par mon exemple et payant de mon sang. Ce peu, ce rien que j’aurai fait pour Vous,En regard de ce que Vous avez fait pour moi… »
Des plateaux du Laos à la Grande Kabylie L'on vit un officier Son regard était fier Et fier était son coeur
Refrain Et si de la tourmente Le doute naît en nous A lui nous penserons Gérard de Cathelineau
Libérant le pays aux heures de souffrance Longtemps il combattit Amoureux de la France Et fier de sa patrie.
Et quand en Indochine, loin de tous ses amis Solitaire il luttait, Partout il fut aimé Partout fut admiré.
Enfin dans un douar, un jour il fut tué Entrant dans la légende Par sa mort exemplaire A jamais glorifié