16 Aug
16Aug

Voter reste-t-il une bonne option aujourd'hui ?

Il est évident que la voix de la conscience impose à tout catholique de donner son vote aux candidats qui offrent des garanties vraiment suffisantes pour la protection des droits de Dieu et des âmes, pour le véritable bien des particuliers, des familles et de la société, selon la loi de Dieu et la doctrine morale chrétienne. 


N’y a-t-il pas des circonstances historiques qui peuvent faire varier ces obligations ? 

Certainement. Le cas d’un pays où un ordre révolutionnaire ou païen a régné depuis plusieurs siècles est différent de celui d’un pays catholique qui est en train de subir ou vient de subir l’assaut du Libéralisme et de la Révolution, et où il y encore une possibilité et un devoir de rejeter l’usurpation. Ainsi, comme nous l’avons vu, lorsque, avec le soutien des carbonari, Victor-Emmanuel est entré dans les États Pontificaux et a établi son pouvoir sur Rome, Pie IX l’a excommunié et a interdit aux Romains de reconnaître ce pouvoir en leur faisant défense de voter et d’aller siéger aux Chambres. Dans ce type de cas, il y a certainement obligation de résister à la Révolution et à ceux qui la favorisent, tout en agissant directement contre le pouvoir usurpateur et, bien sûr, en refusant d’entrer dans le nouveau système et de voter pour ses candidats. Entre ces différents cas, assez extrêmes, il y a un large éventail de circonstances les plus variées. C’est là que la vertu chrétienne de prudence doit entrer en jeu. 


N’est-il pas délicat de prendre une décision à l’occasion des élections ? 

Pie XII précise : « Cette participation comporte de graves responsabilités. D’où la nécessité pour les fidèles d’avoir des connaissances nettes, solides, précises touchant leurs devoirs d’ordre moral et religieux dans l’exercice des droits civiques, en particulier le droit de vote ». Allocution à la jeunesse masculine d’Action (catholique, 20 avril 1945, citée dans Consignes aux militants, enseignements pontificaux, Solesmes). Il est certain en effet que le catholique ne peut se contenter de ne rien faire au plan politique, consacrant son temps uniquement à la prière et à l’étude cependant nécessaires. Ce serait une attitude très condamnable de Providentialisme ou Surnaturalisme : Dieu ne donne la victoire qu’à ceux qui combattent. Pouvons-nous espérer par ces moyens démocratiques rebâtir la Chrétienté ? Il est bien évident que se contenter de voter, voire de militer, pour les élections est bien insuffisant et c’est se faire illusion que de se fier à ce seul moyen. L’action politique en profondeur est d’un autre ordre ; nos ennemis le savent et, s’ils gagnent les élections, c’est parce qu’ils les préparent à très long terme et qu’elles ne sont qu’un élément du jeu. Autrement dit il faut bien instruire les chrétiens de la perversité du système, tout en les encourageant à s’en servir si c’est utile. Notre vie en cette société est faite de rupture et d’intégration. Nous ne sommes pas au ciel, ni ne cherchons à faire une secte de purs. Mgr Lefebvre indique cependant : J’avoue qu’une démocratie non libérale est une espèce rare, aujourd’hui disparue, mais elle n’est quand même pas tout à fait une chimère : comme le prouve la république du Christ-Roi, celle de l’Équateur de Garcia Moreno au siècle dernier [XIXe siècle]. 

Clairement, les catholiques pourront peut-être occasionnellement retarder l’avance de l’ennemi ou créer un îlot de résistance grâce à l’élection d’un maire vraiment catholique, mais, sauf « coup de pouce » de la Providence, ils ne pourront pas opérer ce changement de fond qui s’est produit au Portugal ou en Espagne par exemple et auquel nous devons tendre.

 Les catholiques n’ont pas compris qu’ils n’aboutiraient pas et que leurs ennemis les auront à l’usure tant qu’ils n’auront pas pris le pouvoir politique pour faire un État chrétien, unique protecteur des familles chrétiennes, des écoles, des œuvres, des paroisses et des diocèses catholiques. Sans l’État chrétien et même dans un État antichrétien, la chrétienté sociale peut survivre quelque temps, mais est condamnée à plus ou moins brève échéance. 

Pourquoi peut-on parler de « piège » démocratique ou républicain ? Les francs-maçons au Convent du Grand Orient de France en 1919 déclarèrent : « Au-dessus des gouvernements, qui passent, il y a la Franc-Maçonnerie, armature de la République, qui reste ». 

Mgr Henri Delassus mentionne des maçons, qui individuellement sont tout aussi catégoriques. M. Massé disait : « Le jour où la République sera vraiment la Franc-Maçonnerie à découvert, de même que depuis longtemps déjà la Franc-Maçonnerie n’est autre que chose que la République à couvert... » M. Gadaud, ministre des Travaux Publics, confirmait : « La Franc- Maçonnerie, c’est la République fermée ; la République, c’est la Franc- Maçonnerie ouverte ». 

Et Mgr Gouthe-Soulard de conclure : « Nous ne sommes pas en République, mais en Franc-Maçonnerie ». Et d’ajouter : « Nous sommes en démoncratie ». 

Propaganda publié en 1928 par l’américain Edward Louis Bernays (1891-1995), spécialiste de la manipulation de l’opinion publique à des fins commerciales ou politiques. Il était le neveu de Sigmund Freud et fut l’inspirateur de Goebbels. Ce livre a été traduit en Français et publié en 2007 seulement, sous le titre Propaganda, comment manipuler l’opinion en démocratie. 

Il écrit : La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays. [...] 

Nous sommes dominés par ce nombre relativement restreint de gens [...] en mesure de comprendre les processus mentaux et les modèles sociaux des masses. Ce sont eux qui tirent les ficelles : ils contrôlent l’opinion publique, exploitent les vieilles forces sociales existantes, inventent d’autres façons de relier le monde et de le guider. (Propaganda, Horace LIVERIGHT, 1928, traduit en français sous le titre Propaganda, comment manipuler l’opinion en démocratie, Zones, 2007).

 Rappelons encore une fois ce mot de l’historien François Furet, spécialiste de la Révolution : « Il y a dans tout pouvoir démocratique [...] une oligarchie cachée, à la fois contraire à ses principes et indispensable à son fonctionnement ». Le mensonge y est donc institutionnalisé et l’on peut donc bien parler du « piège démocratique ou républicain ». 

Peu de personnes semblent être conscientes de cela !Après avoir montré comment le Grand Orient donnait des consignes de vote politique à ses membres, Mgr Delassus, cite, par exemple, « un des hommes qui fut l’un des principaux acteurs dans la politique de cette époque, M. de Marcère ». Celui-ci a publié quatre volumes sous le titre L’Assemblée nationale de 1871. Au moment où il participait aux évènements qu’il raconte, comme président du centre gauche, puis ministre dans le cabinet Dufaure, ayant conservé son portefeuille dans le cabinet Wadington qui suivit la chute du Maréchal [de Mac Mahon], il ne soupçonnait même pas l’existence du pouvoir mystérieux qui nouait les mailles du filet dans lequel la France est prise aujourd’hui. Il avoue avec une admirable bonne foi : « Dans l’état des choses créé en 1871, on ne distinguait pas encore les causes profondes du mal, aujourd’hui arrivé à l’état aigu, dont la France souffrait... Personne, même parmi les conservateurs les plus antirévolutionnaires, n’avait idée des dessins formés par les sectateurs de la Révolution. Personne ne pouvait imaginer que par le concours, longtemps inconscient, de la gauche républicaine, et par le travail d’abord secret, ténébreux des sectes juives et maçonniques, travail peu à peu avoué, professé, puis devenu officiel, on en arriverait à cet extraordinaire événement : la déchristianisation de la France et le triomphe de la Maçonnerie... Jamais la France n’aurait laissé s’établir ce parti, si les modérés, aujourd’hui excommuniés, n’avaient été sa caution devant le pays... La Franc-Maçonnerie a pour objectif l’anéantissement du Christianisme et surtout de l’Église catholique, elle poursuit le dessein satanique dénoncé par J. de Maistre, dès l’époque de la Révolution. » 

Mgr Delassus évoque un autre exemple de la naïveté de nombre de politiciens catholiques : En 1871, M. Pradier, républicain catholique, déposa un projet de loi de séparation. Nous ne voulons pas dire qu’il se soit fait en cela le serviteur direct et conscient de la Franc-Maçonnerie, nous sommes certains du contraire, mais par l’ouverture donnée en son esprit aux idées que la Franc-Maçonnerie propage il se trouva, comme tant d’autres, préparé à faire son oeuvre, tout en l’ignorant ou en la détestant. 

Les efforts de la Maçonnerie aboutirent à la Constitution civile du Clergé et, un siècle plus tard, à la Séparation de l’Église de l’État, deux statuts, qui furent condamnés par les papes. Aujourd’hui, c’est-à-dire après un autre siècle, la séparation s’est encore élargie et elle produit le résultat attendu : la « décatholicisation » de la France. Quelle naïveté ! En effet, « notre ignorance est si grande que c’est avec la Révolution elle-même que l’on croit combattre la Révolution ! Que de cris, que de railleries si l’on déclarait que nous ne pouvons être sauvés qu’en rétablissant le Règne de Dieu ! », écrivait Blanc de Saint-Bonnet (1815 † 1880). 

Le cardinal Suhard (1874 † 1949), archevêque de Paris, disait : « Il arrive souvent qu’en s’opposant à une doctrine, on en garde le principe caché. On lutte contre l’adversaire, mais on a accepté le terrain de rencontre et les armes qu’il a choisies. » Joseph de Maistre (1753 † 1821) disait déjà : « Ce qui fait la force du fluide révolutionnaire, c’est qu’il a trouvé des conducteurs partout où il aurait dû rencontrer des obstacles ». 

Cela a-t-il été confirmé par nos ennemis eux-mêmes ? Le catholicisme est, pour la démocratie totalitaire, l’ennemi à abattre ; voici ce que déclarait dans un discours à la Chambre des députés René Viviani, socialiste et franc-maçon, qui fut ministre de l’Instruction Publique, puis en 1914 président du conseil : « La IIIe République a appelé autour d’elle les enfants des paysans, les enfants des ouvriers et, dans ces cerveaux obscurs, dans ces consciences enténébrées, elle a versé peu à peu le germe révolutionnaire de l’instruction. Cela n’a pas suffi. Tous ensemble, nous nous sommes attachés, dans le passé, à une oeuvre d’anticléricalisme, à une oeuvre d’irréligion. Nous avons arraché les consciences à la croyance. Lorsqu’un misérable, fatigué du poids du jour, ployait le genou, nous l’avons relevé, nous lui avons dit que, derrière les nuages, il n’y avait que des chimères. Ensemble et d’un geste magnifique, nous avons éteint, dans le ciel, des étoiles qu’on ne rallumera plus... Voilà notre oeuvre, notre oeuvre révolutionnaire. » (Christian LAGRAVE, L’Action politique chrétienne, les forces en présence dans le combat actuel, bulletin de l’Action Familiale et Scolaire (A.F.S.) n° 196 (supplément), p. 42, citant Jean OUSSET dans Pour qu’Il règne.) 

Pourquoi le système démocratique libéral rend-il impossible toute restauration ? L’historien Bainville avait très bien vu en son temps le caractère essentiel des gouvernements de la république française : « Une démocratie comme la nôtre a pour ambition spirituelle l’établissement d’une espèce d’unité morale, d’une vague religion d’État principalement dirigée contre le catholicisme. Pour ambition matérielle, le nivellement de la condition de tous les citoyens et une médiocrité générale. » 

Le bras armé du capitalisme libéral, c’est la démocratie totalitaire, aussi redoutable et bien plus efficace que la dictature communiste. Écoutez ce qu’écrivait Bernanos : « Je dis qu’une organisation a été totalitaire et concentrationnaire dès le principe, lorsqu’elle prenait le masque et le nom de la liberté, puisque le libéralisme asservissait l’homme à l’économique pour que l’État – ou l’espèce de parasite auquel on ose encore donner ce nom – put s’emparer tout ensemble, le moment venu, de l’homme et de l’économique, le capitalisme des trusts frayant la voie au trust des trusts, au trust suprême, au trust unique : à l’État technique et divinisé, au dieu d’un univers sans Dieu... » (Christian LAGRAVE, ibid., pp. 41-42, citant BERNANOS, ainsi que BAINVILLE, La France, Les Iles d’or, éditions Self, Paris, 1947, tome I, pp. 6-7).

N’y a-t-il pas contradiction dans les termes entre « totalitaire » et « libéral » ? C’est en effet une contradiction apparente qui trompe le public, comme l’explique Henri Hude : La démocratie absolue est une forme originale de régime totalitaire. 

Son originalité réside dans un intéressant paradoxe. 

Par exemple, c’est une société permissive, mais extrêmement contraignante, antiautoritaire, mais complètement oppressive, archi-critique, mais incapable de sortir de sa ‘pensée unique’, antidogmatique, mais archi-dogmatique, tant il est absolument obligatoire de refuser l’obligatoire et d’y obéir à un principe d’universelle désobéissance. [...]

Le contenu principal de l’enseignement de l’école idéologique est le relativisme dogmatique. 

La forme même de la pédagogie est le refus du principe d’autorité. Les résultats en sont l’analphabétisme, le philistinisme, le crétinisme prétentieux et le cloaque moral. 

Bien entendu, il n’y aurait rien de plus manipulable que de tels « citoyens ». 

Le gouvernement démocratique tendrait alors à se ramener à la manipulation de zombies soi-disant autonomes par une hiérarchie cynique et libertine. La passion et le préjugé d’autonomie absolue seraient les deux principaux leviers qui permettraient à l’oligarchie idéologique de mener par le bout du nez une masse déculturée qui ne serait même plus un peuple. (Ibid., p. 43, citant Henri HUDE, 101 thèses sur la liberté de l’éducation, in Liberté politique n° 5, été 1988, pp. 92-93, éditions F. X. de Guibert). 

Tout cela ne conduit-il pas à l’apostasie générale ? Dès 1910, le pape Pie X avait prophétisé les conséquences funestes du triomphe du Libéralisme, que préparaient conjointement, hors de l’Église comme dans l’Église, la Franc-Maçonnerie et le Sillon de Marc Sangnier. Le Sillon, écrivait- il, n’est plus... « ... qu’un misérable affluent du grand mouvement d’apostasie organisé dans tous les pays pour l’établissement d’une église universelle qui n’aura ni dogme, ni hiérarchie, ni règle pour l’esprit, ni frein pour les passions, et qui, sous prétexte de liberté et de dignité humaine, ramènerait dans le monde, si elle pouvait triompher, le règne légal de la ruse et de la force, et l’oppression des faibles, de ceux qui souffrent et qui travaillent. Nous ne connaissons que trop les sombres officines où l’on élabore ces doctrines délétères qui ne devraient pas séduire les esprits clairvoyants. »

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