13 Aug
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MGR LEFEBVRE a toujours lié le sacerdoce au règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ : l’un est la source de l’autre, le second découle spontanément du premier.


MGR LEFEBVRE, LE SACERDOCE ET LE RÈGNE SOCIAL
LE SEL DE LA TERRE No 57, ÉTÉ 2006


Au séminaire français de Rome

     [Au séminaire de la] Via Santa Chiara, où il se forme comme futur prêtre de 1923 à 1929, l’abbé Lefebvre apprend du père Henri Le Floch, supérieur dela maison, à ne point séparer ce qui doit être uni : la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ et son règne social, la doctrine du prêtre et sa piété, et aussi le saint sacrifice de la messe et le règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ.


     L’enseignement est celui des papes dans leurs encycliques.
Pie IX, Léon XIII, Pie XI, Pie XII sont les maîtres, avec le cardinal Pie, Louis Veuillot, etc.
« Le père Le Floch, dira Mgr Lefebvre, nous a fait entrer et vivre dans l’histoire de l’Église, dans le combat que les forces perverses livraient contre Notre-Seigneur. Cela nous a mobilisés contre ce funeste libéralisme, contre la Révolution et les puissances du mal à l’oeuvre pour renverser l’Église, le règne de Notre-Seigneur, les États catholiques, la chrétienté tout entière. » Ce combat impliquait un choix personnel de chaque séminariste : Il nous a fallu choisir. Ou bien quitter le séminaire si nous n’étions pas d’accord – certains le faisaient – ou bien entrer dans le combat et marcher. Mais entrer dans le combat, c’était s’y engager pour la vie.
     Je pense que toute notre vie sacerdotale – et épiscopale – a été orientée par
ce combat contre le libéralisme.

     Mais où se situe le sacerdoce dans ce combat essentiellement politique ?
     C’est là que les lectures proposées ou faites aux séminaristes leur faisaient contempler avec Godefroid Kurth « le Corps mystique du Christ transformant la société païenne de l’Empire romain et préparant le mouvement grandissant de reconnaissance du programme de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Prêtre et Roi » ; elles les aidaient à comprendre avec le père Deschamps (Les Sociétés et la société) que « les révolutions provoquaient l’exclusion du gouvernement du Christ-Roi en vue d’éliminer finalement la messe et la vie surnaturelle du Christ, le souverain grand-prêtre » (Denis Fahey C.S.Sp., Apologia pro vita mea, Catholic family News, USA, avril et mai 1997. On aura remarqué les trois points du programme anti-Christ du libéralisme et de la franc-maçonnerie. Les trois laïcités progressives : de l’État, de l’Église, des âmes.


     Le De Ecclesia du père (puis cardinal) Billot S.J. leur faisait « saisir le sens de la royauté sociale du Christ et l’horreur du libéralisme ». A l’école du cardinal Pie, ils apprenaient « la pleine signification du Que votre règne arrive, à savoir que le règne de Notre-Seigneur doit venir non seulement dans les âmes individuelles et au ciel mais sur terre par la soumission des États et des nations à son gouvernement.      Le détrônement de Dieu sur terre est un crime auquel nous ne devons jamais nous résigner » (Denis Fahey).

     Et encore ceci (Fahey fut séminariste romain au même séminaire douze ans avant Marcel Lefebvre, sous la direction du même père Le Floch) :
"Le Syllabus de Pie IX et les encycliques des quatre derniers papes [jusqu’à Pie X] furent l’objet principal de mes méditations sur la royauté du Christ et ses relations avec le sacerdoce."


     Quel surprenant sujet de méditation pour un jeune séminariste : alliant la piété la plus spirituelle à la soumission de la cité temporelle au Christ. Chez les maîtres de Marcel Lefebvre, il n’y a point de césure entre la vie individuelle et l’action politique au grand sens. Le libéralisme dit « catholique » opère la séparation de ce qui doit rester uni.
     C’est encore au séminaire français de Rome que le père Marc Voegtli C.S.Sp., professeur à Santa Chiara, commente en 1925 l’encyclique Quas primas de Pie XI sur la royauté sociale de Jésus-Christ. Il développe devant son jeune auditoire enthousiaste le programme politique de l’Église catholique qui est à rebours du programme libéral :
1) d’abord la messe,
2) ensuite la vie en état de grâce
3) et enfin recouronner Notre-Seigneur Jésus-Christ.

     Les témoignages des élèves du P. Voegtli sont unanimes, tels ceux de l’abbé Roger Johan (futur évêque) et de l’abbé Victor Alain Berto. Sa doctrine était simple, il nous parlait uniquement de Notre-Seigneur Jésus-Christ-Roi […] il enseignait l’intégrité du sacerdoce, la logique du sacerdoce
poussée à bout : le sacrifice du prêtre [notez l’idée] pour le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Tout était jugé à ce point de vue. « Mes chers amis, vous prêcherez Notre-Seigneur Jésus-Christ de tout votre coeur.»


     Un témoignage collectif de douze séminaristes atteste :
C’est par lui [le P. Voetgli] que nous avons appris à voir en Notre-Seigneur Jésus-Christ, le roi, le centre de tout, la solution de toutes les questions, la nourriture, la pensée, la vie, tout […] c’est ce qu’il a voulu graver en nous : cela restera» [Marcel Lefebvre, Une vie, p. 54-55].
Cela « est resté » ! Et d’abord le souvenir ineffaçable que garda Marcel Lefebvre des conférences du P. Voegtli. Vous allez me dire : « Mais passez à son action au Concile et après ! » Oui, mais il est essentiel de comprendre le ressort de son action !

Le ressort du combat de Mgr Lefebvre pour le Christ-Roi : un serment
     Cinquante ans plus tard, un des rares disciples encore fidèles au P. Voegtli, Marcel Lefebvre, témoignait lui aussi de l’impression ineffaçable produite par ces « conférences toutes simples prenant les paroles de l’Écriture, montrant qui est Notre-Seigneur Jésus-Christ. […] Ça nous est resté toute notre vie ! » C’était même devenu le thème des oraisons du séminariste :


On n’aura jamais suffisamment médité, disait-il, et cherché ce qu’est Notre- Seigneur Jésus-Christ. […] Il devrait être la règle de notre pensée, il est la cause de notre sainteté, il est notre Créateur car rien, rien n’a été fait sans le Verbe et
donc sans Notre-Seigneur Jésus-Christ qui est le Verbe. Alors notre pensée, toute notre contemplation doivent être pour Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et cela, ça transforme la vie !


Quelle parole frappante !
Pour Marcel Lefebvre, croire en la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ et par conséquent à son droit de régner seul, c’était s’engager personnellement
dans le combat ; c’est ce qu’il fit, comme beaucoup de ses confrères de séminaire, à Rome, à la confession de Saint-Pierre, faisant intérieurement un « serment de romanité » doctrinale et combattante. Le témoignage de l’abbé Berto (Abbé BERTO, Notre-Dame de joie, NEL, 1974, p. 300) laisse supposer qu’un tel serment était chose normale et allant de soi. On s’engageait à « être toujours en état de croisade ».(Mgr LEFEBVRE, La Petite histoire de ma longue histoire, 1999, p. 28.)


     Il ne savait pas quand, ni où, ni en quelles circonstances troublées ou tragiques de l’Église, il aurait à entrer en lice, et à écrire lui-même une page de cette histoire de l’Église qu’on leur montrait sous la lumière du Christ-Roi, mais ilsavait qu’il aurait à se lancer dans la lutte.
Ça va être le concile Vatican II qui sera le moment providentiel pour Mgr Lefebvre, moment où il va se sentir poussé à intervenir, fidèle à son engagement de séminariste romain d’antan.


Héraut du Christ-Roi
Mgr Marcel Lefebvre va devenir, au Concile, au nom du Christ-Roi, le chef de la résistance à la fausse liberté religieuse. Lors de la présentation des deux schémas rivaux, Ottaviani et Béa, au cours de la dernière réunion de la commission centrale préparatoire en juin 1962, il dit :

— du schéma libéral du cardinal Béa :
« De la liberté religieuse » : non placet [je vote non], car elle se fonde sur des principes faux et solennellement réprouvés par les souverains pontifes, par exemple par Pie IX qui appelle cette erreur “un délire” (Dz 1690).
Le schéma sur la liberté religieuse ne prêche pas le Christ et semble donc faux.


— du schéma catholique du cardinal Ottaviani :
« De l’Église », chapitres IX-X : placet [je vote oui]. Mais la présentation des principes fondamentaux pourrait être faite davantage par rapport au Christ-Roi comme dans l’encyclique Quas primas. […] Notre concile aurait pour but de prêcher à tous les hommes le Christ et d’affirmer qu’il revient à la seule Église catholique
de prêcher authentiquement le Christ : le Christ salut et vie des individus,
des familles, des associations professionnelles et des autres sociétés civiles.
Le schéma de la Commission théologique expose la doctrine authentique à
la manière d’une thèse et il ne montre pas assez le but de cette doctrine, qui
n’est autre que le Règne du Christ. (…) Du point de vue du Christ source de
salut et de vie, toutes les vérités fondamentales pourraient être exposées de
manière « pastorale » comme on dit, et de cette manière sont expulsées même
les erreurs du laïcisme, du naturalisme, du matérialisme, etc.


C’est ce qu’il continuera d’affirmer après le Concile et déclarera au cardinal Ratzinger le 14 juillet 1987 :
Vous êtes pour la déchristianisation, mais je suis pour la christianisation. Nous ne pouvons pas nous entendre. Pour nous, Notre-Seigneur Jésus-Christ, c’est tout, c’est notre vie. L’Église, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ ; le prêtre c’est un autre Christ ; la messe, c’est le triomphe de Jésus-Christ par la croix ; notre séminaire, on y est tout tendu vers le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et vous, vous faites le contraire : vous venez de vouloir me démontrer que Notre-Seigneur Jésus-Christ ne peut pas et ne doit pas régner, que l’État ne sait pas [quelle est la vraie religion]. Pour nous, Notre-Seigneur Jésus-Christ, c’est tout!


Conclusion

Pour Mgr Lefebvre, le règne social du Christ-Roi est une conséquence de la divinité du Christ.
C’est ce qu’enseigne dom Columba Marmion, un auteur spirituel particulièrement apprécié par Mgr Lefebvre :
Le christianisme n’est autre chose que l’acceptation, dans toutes ses conséquences
doctrinales et pratiques les plus lointaines, de la divinité du Christ dans l’incarnation ; le règne du Christ et, par lui, la sainteté, s’établit en nous dans la
mesure de la pureté, de la vivacité et de la plénitude de notre foi en Jésus-
Christ. (5)


C’est bien la pureté, la vivacité et la plénitude de la foi chrétienne qui manquent
à Rome, en 1987 comme en 2005 !
Relisons encore cette page de dom Marmion :
La foi est la disposition primordiale de celui qui veut suivre le Christ ; elle
doit être la première attitude de l’âme en présence du Verbe incarné. Le christianisme
n’est autre chose que l’acceptation par la foi, une foi pratique, de
l’Incarnation dans toutes ses conséquences. […] Si vous acceptez la divinité de
Jésus-Christ, il faut, par voie de conséquence, accepter ses volontés, ses oeuvres,
ses institutions, l’Église, les sacrements, la réalité de son corps mystique 6.
Et nous ajouterions : il faut accepter son sacerdoce, sa royauté, son règne
sur toutes choses, même temporelles, sur les sociétés civiles, leurs institutions
et les États. C’est cela, avoir une foi pratique. C’est cette foi pratique qui fait
défaut à Rome.
En outre, la foi catholique, la foi pratique, aboutit nécessairement au
combat pour le règne social du Christ : pas seulement un combat d’idées, un
combat platonique, mais un combat qui demande qu’on s’y engage pour obtenir
des effets pratiques :
Si on a la foi, la foi en la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, alors on
veut qu’il règne, qu’il repousse l’erreur, on n’admet pas que les mêmes droits
soient accordés à Notre-Seigneur Jésus-Christ, à Luther, Bouddha et Mahomet
[Conférence spirituelle à Écône vers 1973].
A Rome, on garde une foi toute théorique en la divinité de Notre-Seigneur,
mais en fait, on n’a plus la foi. Ils ont perdu la foi, car leur foi n’a aucune application
dans leur politique. Au droit de Jésus-Christ à régner, au droit de sa
personne divine en laquelle subsiste sa sainte humanité, laquelle a donc un
droit de régence absolu et universel, ils ont substitué les droits de la personne
humaine, les droits d’une personne abstraite et irréelle, jalouse de sa liberté, de
son autonomie et de sa conscience, quel que soit son choix de vie.
Mais nous, nous gardons la foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ ! Et nous
oeuvrerons à son règne social.



5 — Dom MARMION, Le Christ, vie de l’âme, DDB, 1933, p. 171.
6 — Dom MARMION, Le Christ, idéal du moine, éd. de Maredsous, 1930, p. 116.

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