En 987 Hugues Capet est élu roi par les grands puis sacré, sous la pression du puissant archevêque de Reims : Adalbéron.
Lors de l’élection, ce dernier expose le point de vue suivant : étant donnée l’expérience passée, pour épargner au pays les divisions entre héritiers, la monarchie ne doit plus être héréditaire mais élective.
Très habilement, de son vivant, Hugues Capet fait élire puis sacrer son fils aîné. Ses successeurs feront de même et il faudra attendre la fin du XIIe siècle pour que les Capétiens, sûrs d’eux, se passent du sacre anticipé.
Le royaume n’est plus partagé entre les enfants : seul l’aîné succède, ce qui assure stabilité et continuité ; la légitimité naturelle du pouvoir réalise un grand pas.
Cet événement capital passe pourtant complètement inaperçu à ses contemporains, probablement parce qu’il est sans effet perceptible immédiat. En effet, l’institution s’est stabilisée mais le roi ne dispose plus d’aucun pouvoir. Les comtes sont, pour la plupart, plus puissants que le roi ; ils ne se déplacent même plus pour lui prêter l’hommage féodal.
□ Pour lutter contre une insécurité grandissante due à une absence d’autorité politique efficace, les clercs proclament “la paix de Dieu” au concile de Charroux en 989 : interdiction de faire la guerre aux non combattants.
□ Le comte, devenu chef politique, dote sa province de châteaux qu’il confie à des vassaux. Très souvent ceux-ci s’affranchissent à leur tour de la tutelle du comte. Cette atomisation du pouvoir politique se poursuit dans de nombreux comtés durant tout le XIe siècle.
□ Le domaine royal couvre en gros l’Ile de France. Mais il est morcelé et disjoint par des châtellenies indépendantes et quelquefois hostiles comme celle du seigneur de Montlhéry dont les Capétiens ne viendront à bout qu’au XIIe siècle (c’est dire leur faiblesse).
En l’espace de deux ou trois générations, la certitude s’établit que l’autorité du comte ou du châtelain ne lui vient pas du roi par délégation mais de la coutume.
□Le début de la féodalité est une période d’anarchie durant laquelle on peut être vassal de plusieurs suzerains. Comment dès lors reconnaître la hiérarchie ? Quand on ne sait plus à qui obéir, on n’obéit plus à personne, le dévouement vassalique disparaît. Il faut attendre les années 1110 et le règne de l’énergique Louis VI le Gros pour retrouver un ordre hiérarchique au sommet duquel on trouve le roi. Ce renouveau fait écho à la réforme grégorienne de l’Eglise.
Un des éléments de cette réforme consiste à établir une hiérarchie, non par les hommes mais par la terre. Si un homme peut être plusieurs fois vassal de seigneurs différents, en revanche la terre n’est “vassale” que d’une autre. Un fief “meut” donc d’un autre fief et ainsi de suite jusqu’au royaume, jusqu’au roi. Louis VI aidé de Suger, abbé de Saint Denis et de nombreux clercs du royaume parvient peu à peu à imposer cette idée.
La renaissance de l’autorité politique royale s’accompagne très rapidement d’autres progrès :
□ Redécouverte de la pensée de saint Augustin, des philosophes antiques, de la logique aristotélicienne, du droit romain.
□ Construction d’écoles (dans les villes et autour des églises épiscopales), qui préfigurent les futures universités.
□ Renouveau littéraire : naissance du roman courtois ; roman de la Table Ronde...
□ Renouveau architectural : naissance de l’art gothique appelé à l’époque “ l’art français” ; construction des cathédrales.
□ Echanges commerciaux et intellectuels intensifs.
Pendant près de 300 ans le roi a toujours au moins un fils, c’est ce que l’on a appelé “le miracle capétien”, jamais une fille ne succède. En 1316 Louis X meurt en laissant une fille et une reine enceinte. Faute de garçon la jeune fille va-t-elle succéder ? C’est risquer gros car le royaume pourrait tomber sous domination étrangère par le système de dot que la femme apporte à son époux. Avec le consentement général Philippe le Long, frère de Louis X, assure la régence. La reine met au monde un fils, Jean Ier qui ne vit que quelques jours. Philippe succède sous le nom de Philippe V ; la loi de collatéralité est entérinée et conforte la loi de primogéniture mâle.
C’est ainsi qu’au fil des siècles l’institution politique s’enrichit de nouvelles lois (qui ne peuvent cependant pas contredire les lois déjà existantes) de façon quasi empirique : une difficulté survient- elle? La solution adoptée devient définitivement la règle. Donc nouveau progrès de la légitimité naturelle, la continuité du pouvoir est assurée sans guerre civile. Peu à peu s’affirment les idées selon lesquelles :
La couronne n’est pas la propriété du roi : si personne ne peut la lui prendre, il ne peut la léguer à qui il veut. La désignation de l’autorité politique s’affranchit de tout choix humain : le successeur est désigné par la loi ; cela épargne au pays le déchaînement des passions pour la conquête du pouvoir.
Le pays n’est pas la propriété du roi, celui-ci exerce une charge, il est la composante du pays qui gouverne les autres composantes en vue du bien commun.
Les institutions de la monarchie capétienne sont donc les plus légitimes : elles réalisent le mieux le bien commun par l’ordre, la stabilité et la continuité qu’elles procurent.
Les Capétiens ne comptent peut-être pas dans leurs rangs des personnages de l’envergure d’un Charlemagne, mais la stabilité de l’institution leur permet, génération après génération, de reconstruire solidement ce que les temps féodaux ont morcelé.
En outre cette légitimité naturelle permet à la légitimité théologique d’apporter ses plus beaux fruits : développement de l’Eglise, des institutions civiles chrétiennes (chevalerie, confréries bourgeoises caritatives...), de l’esprit missionnaire. L’histoire de France montre que le titre de fille aînée de l’Eglise n’est pas usurpé.Il convient de rappeler encore que cette institution politique a reçu à maintes reprises l’approbation de Dieu (mission de sainte Jeanne d’Arc, apparitions du Sacré-Cœur à sainte Marguerite Marie, apparitions du Christ Roi à sainte Catherine Labouré quelques jours avant la Révolution orléaniste de juillet 1830...).
Quelques chiffres.
D'Hugues Capet à Louis XVI :
□ On compte 33 rois en 803 ans ; 24 ans de règne par roi en moyenne (soit l’espace qui sépare deux générations).
□ Aucune rupture, aucune entorse à l’institution n’est à déplorer.
Ainsi, la continuité du pouvoir fut au service de la paix sociale en évitant la lutte pour le pouvoir, mais aussi de politiques suivies avec une vraie vision d'avenir, sur des générations et non au terme d'un ridicule mandat de cinq ans, ce qui à l'échelle d'un pays, d'une nation est tellement faible.
Revenons à notre monarchie chrétienne traditionnelle.